Enchaînées aux coutumes, les filles subissaient le rituel de l’excision et des mariages précoces. Puis, est arrivé le verbe. Les droits humains ont été vulgarisés sous le chapiteau d’une classe d’alphabétisation. Maintenant, il n’existe plus ces bonheurs fanés à la fleur de l’âge.
Lassana Dramé a le sourire. Sa prise de parole avait laissé indifférents les habitants de Gathiary, village enclavé et situé à une vingtaine de kilomètres de Kidira. Maintenant, il a leur oreille. « Aujourd’hui, je me sens aimé et apprécié des populations », lance-t-il. Le facilitateur de l’Ong Tostan retrouve un souffle d’espoir et fait face à un nouveau défi : transmettre des connaissances qui changent la vie des bénéficiaires et de leur communauté.
Il avait débarqué, quelques mois auparavant, dans ce village pour alphabétiser les populations et les sensibiliser aux droits humains. Lassana avait patiemment expliqué le but de sa présence dans le village. L’accueil glacial avait douché son enthousiasme. « Lors de la première rencontre, il y avait un problème de compréhension entre les populations et moi », note-t-il. « Je me demandais s’il valait la peine de rester quelques jours de plus », ajoute-il. L’ambiance était délétère. Il devait faire face à la méfiance des uns et à l’hostilité des autres. « Les gens répondaient à peine à mes salutations », se rappelle-t-il. Lassana Dramé a évolué dans ce climat pesant pendant un certain temps. Sans relâche, il a poursuivi son plaidoyer.
Sa persévérance finit par payer. Les filles ont été les premières à lui prêter une oreille attentive. Elles ont, par la suite, entraîné leurs mères. Il pouvait alors commencer la formation. Après quelques séances, des hommes ont emboîté le pas aux femmes.
A chaque séance, les participants étaient plus nombreux et manifestaient un réel intérêt à suivre les cours. Aujourd’hui, même les populations des villages maliens frontaliers de Gathiari souhaitent l’implantation de classes d’alphabétisation. « Les populations maliennes viennent suivre des cours ici. Elles souhaitent que Tostan implantent des classes d’alphabétisation dans leur village », indique-t-il. Gathiari, un chef-lieu de communauté rurale enclavé, bénéficie du Programme de Renforcement des Capacités (PRCC) de l’ONG Tostan.
Depuis près de deux décennies, cette ONG travaille activement, avec l'UNICEF, le gouvernement sénégalais et d’autres partenaires tels que UNFPA dans la promotion pour l’abandon de l’excision, des mariages précoces et forcés. Elle a installé, dans cette localité, une classe d’alphabétisation. « Gathiary est, aujourd’hui, un porte-flambeau de la promotion de l’abandon de l’excision, des mariages précoces et forcés », s’enorgueillit Lassana Dramé. « L’enseignement des droits humains a permis aux populations de Gathiari d’avoir des connaissances sur la santé de la reproduction.
« Grâce à ce programme centré sur les apprenants, on leur inculque des connaissances portant sur la démocratie, les rapports de bon voisinage, l’assainissement, la vaccination, les consultations prénatales, la santé de la reproduction notamment les conséquences des mariages et grossesses précoces ainsi que de l’excision. Aujourd’hui, les femmes revendiquent un meilleur statut, dans le respect de nos traditions », explique le facilitateur.
Lors d'une cérémonie présidée par le préfet de Bakel, Amadou Mactar Cissé, en présence de la directrice de la Famille, Ndèye Soukèye Guèye, d'une délégation mauritanienne conduite par Aïda Niang, directrice adjointe de la Promotion féminine et Genre de la République islamique de Mauritanie, les populations de plus de 70 villages ont solennellement fait « une déclaration publique d’abandon de l’excision, des mariages précoces et forcés ». « C’était une grande fête et un grand jour pour moi. Grâce à mon action, des communautés ont tourné le dos à l’excision et aux mariages précoces et forcés », note Lassana Dramé. Depuis l’introduction du PRCC, un programme holistique, ces communautés ont fait « des progrès énormes ». « Nous avons commencé par parler de démocratie et de citoyenneté pour montrer l’importance de chaque citoyen dans la société », explique Lassana Dramé. « Aujourd’hui, grâce aux différents sujets enseignés dans les classes, je suis content de constater que la situation de la femme d’une manière générale, celle des filles en particulier, s'est améliorée de façon significative à Gathiary. Les interventions sont véritablement porteuses de succès », poursuit-il. Des sessions de sensibilisation sont organisées pour responsabiliser les populations quant aux changements des pratiques communautaires et familiales qui permettraient d'améliorer la vie et le statut de la femme et des jeunes filles. Naguère confinées aux tâches ménagères, les femmes de cette communauté s’activent dans des activités génératrices de revenus. « Elles sont en première ligne dans la sensibilisation pour l’abandon de l’excision, des mariages précoces », lance Lassana Dramé, avec un brin de fierté. Elles sont épaulées, dans ce travail, par l’Imam du village.
Par Mamadou GUEYE, Babacar DIONE et Pape Demba SIDIBE (textes) - Pape SEYDI (Photos)