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La Voix du département de Bakel

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Tata_Camara

Bakelinfo.com s'est entretenu avec une star perdue de vue pour certains... Oui, Tata CAMARA en est une pour plusieurs générations Bakéloises. Talentueux footbaleur et ancien grand animateur des Navétanes Bakéloises, ce Professeur en Sciences Physiques  a Bakel dans le sang. Nous avons resivité avec lui son parcours, sa vision de l'enseignement des Sciences au Sénégal, sa  lecture du département de Bakel et ses souvenirs de sa ville d'origine...

1- Tata dit M. Mamadou CAMARA, pouvez-vous vous présenter à nos frères et soeurs de Bakelinfo.com ?

 D’abord, je te salue et te dis merci pour cette occasion qui m’est offerte pour m'adresser aux frères et soeurs du département. Je te remercie surtout pour tout ce que tu fais pour le département de Bakel. Je m’appelle Mamadou Camara plus connu sous le nom de Tata (grand frère en soninke).

C’est comme cela que m’ont appelé mes parents puisque je porte le prénom de leur grand frère Mamadou Djidou qui était aide -  infirmier au dispensaire de Bakel. Je suis bakélois et soninké (ce sont là mes deux fiertés). Que puis-je dire d’autre ? Voilà, sur le plan professionnel je suis Professeur de Sciences Physiques au lycée de Mbao à Dakar. 

2- Quelle a été la trajectoire de Monsieur CAMARA ? 

J’ai fais mes études primaires à l’école de Semmé puis à l’école 1 de Matam. Je suivais naturellement mon père qui était agent des eaux et forêts au gré de ses affectations. Après, je suis allé faire mes études secondaires au lycée technique André Peytavin de Saint-Louis et mes études universitaires au département de Physique et Chimie à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Enfin, au début des années 90, je fus à l’Ecole  Normale Supérieure et à la fin de la formation, on m'a affecté à Bignona comme professeur de Sciences Physiques au lycée Ahoune Sané et depuis une dizaine d’années j’enseigne au lycée de Mbao. Je suis aussi titulaire d’un DESS en gestion des entreprises et en phase de rédaction d'un mémoire en méthodes économétriques et statistiques. 


3- Aujourd'hui, vous êtes Professeur aguerri des Sciences Physiques, une discipline réputée exigeante , d'où vous êtes venu cette vocation pour cette science ?

A l’école primaire, mes maitres avaient détecté de correctes aptitudes dans les matières scientifiques notamment en calcul et en résolution de problèmes. Ceci m’a valu d’être orienté, après l’entrée en sixième, dans un Lycée technique. Après la troisième, j’ai fait la série E actuelle S3 qui est une série « d’élites scientifiques». Maintenant pourquoi les sciences physiques ? Une petite anecdote :  En Terminale, j’étais Premier en Mathématiques et parmi les 5 premiers en Physiques mais dans son appréciation mon prof de Mathématiques mettait " élève brouillon " alors que celui de P.C avais noté " élève intelligent et travailleur". Ainsi,  le choix a été vite fait par l’adolescent que j’étais (rires). Mais j’adore les sciences puisque pour se connaitre et connaitre son environnement il n’y a pas de meilleure œuvre humaine. 

4- Je trépigne à l'idée de faire le diagnostic des matières scientifiques au Sénégal avec vous, quelle lecture faites vous de l'enseignement de ces matières de nos jours ?`

Si je dois donner une appréciation globale je dirais : on peut mieux faire. Maintenant pour aller plus dans les détails, je dirais que cet enseignement est à l’image de celui  de toutes les matières avec un facteur supplémentaire qu’il est plus l'exigence tant sur le plan des aptitudes cognitives et expérimentales des enseignants que de la didactique qui doit l’accompagner. L’enseignement des sciences nécessite une solide formation et de grands moyens matériels. Ce que nos pays n’ont pas forcément. Maintenant de réels efforts ont été faits par l’état surtout dans le cadre de la coopération avec la BAD qui a financé la construction et l’équipement en matériel de beaucoup de lycées du Sénégal ainsi que la formation continue de certains professeurs. Toutefois, il reste beaucoup à faire. Certains nouveaux lycées, je peux citer les lycées agricoles de Bignona et de Mbao ou encore le nouveau lycée de Rufisque … sont bien équipés même s’il y a des efforts d’accompagnement à faire surtout dans la formation des enseignants quant à la maîtrise de l’utilisation de ce matériel. Nos programmes d’enseignement sont bons même s’il y a des correctifs à apporter pour les rendre encore plus pertinents par rapport au contexte mondial et à la finalité des formations. 

5- Plusieurs lycées du Sénégal, jadis réputés pour leur formation scientifique, peinent aujourd'hui à faire aimer les sciences à leurs potaches. Quelle analyse faites vous de cette perte de vitesse dans séries scientifiques dans les lycées ? 

Je ne crois pas qu'on puisse dire cela de nos jours. Depuis quelques années déjà les décideurs ont initié des politiques  pour  inverser  cette tendance qui veut qu’il y ait plus d’élèves dans les séries littéraires que dans les séries scientifiques (on est d’ailleurs obligé du fait de la nature des profils des nouveaux métiers qui se dessinent). Et les résultats se font sentir. Pour exemple : je fais partie d’une commission qui gère les orientations des élèves qui doivent faire la seconde en 2012 / 2013 dans notre zone et sur les 594 élèves qui viennent à Mbao 311 font la série S pour le lycée de Thiaroye ils sont plus de 500 qui font S pour 238 qui font L …. Maintenant s’il s’agit de faire plus aimer les sciences aux élèves. Il faudra agir sur trois leviers : Les enseignants dans la formation, les programmes dans leur cohérence et leur pertinence et enfin le matériels didactiques et scientifiques qui doivent exister à suffisance et en qualité 

6- A quoi ressemble une année réussie pleinement pour un Professeur de Sciences Physiques ?

C’est une année sans perturbation où tout le programme a été déroulé et compris par l’essentiel des apprenants 

7- A coté de votre fonction d'enseignant, vous êtes également Titulaire d'un DSS en Gestion des entreprises, pourquoi cette volonté de diversification de votre formation ?

D’abord c’est pour mieux comprendre le monde dans son fonctionnement. Nous sommes des intellectuels donc appelés à avoir des positions sur tout ce qui touche nos pays et ces positions doivent être de qualité. Ensuite, je veux éviter la routine voire la sclérose qui guette tout travailleur dans un métier trop longtemps exercé. 

8- Brièvement, quels sont les grands maux de l'enseignement sénégalais selon vous ?

Les grands maux de l’enseignement au Sénégal, à mon sens, ont pour noms : Insuffisance dans la formation des enseignants, précarisation de la situation sociale des enseignants, manque de matériels didactiques. Tout cela constitue la base des plateformes revendicatives des syndicats d’enseignants qui recoupent avec la réalité des moyens et des priorités de nos états et conduit aux grèves d’enseignants et d’élèves et autres débrayages. Il faut en appeler à la responsabilité de tous pour que le système trouve  de plus belles couleurs. 

9- Sérieusement peut-on faire des scientifiques sans laboratoires, outils pédagogiques comme au Lycée de Bakel ? N'est ce pas un combat perdu d'avance ? 

Le mal dans nos pays réside au niveau des bonnes initiatives qui ne durent pas et cela pour diverses raisons. Il y avait dans le système éducatif des structures de formation continue dont le rôle était de renforcer les capacités des enseignants dans divers domaines parmi lesquels on peut citer, pour les profs de sciences, la confection de matériels d’expérience lorsqu’on est dans des zones défavorisées. Tout est science autour de nous et lorsqu’on est bien formé on peut tirer profit de son environnement pour améliorer son enseignement. Maintenant ce sont là des palliatifs.  Il faut tendre vers l’équipement adéquat. Il y a et il y aura toujours des combattants pour l’émergence de l’enseignement des sciences dans les zones comme Bakel. Merci à tous les enseignants de cette zone. Ils y abattent un extraordinaire travail comparativement à leurs moyens.

10- Si je vous dis que Bakel ne dispose plus de Série S1, quel sentiment vous anime ? 

C’est pour moi une grande frustration. Sans donner de leçons aux administrateurs du lycée Waoundé Ndiaye je pense que la solution existe. Je suis dans un lycée de plus de 2300 élèves et 10 font la TS1 cette année, l’année précédente ils étaient 7. C’est dire qu’il faut responsabiliser nos collègues. C’est vrai qu’il faut régler le lancinant problème de profs de maths mais beaucoup font avec et créent des S1 alors faisons avec à Bakel. 

11_ Vous êtes du département de Bakel, quelle lecture faites vous de ce terroir ?

C’est un terroir riche par la qualité de ses hommes et de son sol mais aussi par sa position géographique (il fait frontière avec les 2 plus grands des 5 pays frontaliers du Sénégal) mais pauvre du fait de son enclavement. Un échec de toutes nos autorités étatiques et à un degré moindre de nos élites locales ! Mais la conscience est prise et ces élites locales feront tout ce qui est en leur pouvoir pour faire leur part de travail et orienter les autorités étatiques à prendre plus en considération nos problèmes.

12-- Si vous étiez décideur pour cette localité, que feriez-vous à court et à moyen terme pour changer le pâle visage de la ville de Bakel ?

Pour le très court terme dédommager les populations par rapport aux problèmes créés par les inondations. Pour le moyen terme résorber le déficit sur le plan de la santé et de l’éducation, créer un programme de développement global de la localité autour du tourisme de l’agriculture mais aussi influencer les autorités étatiques, dans le cadre de politiques sous régionales, pour jeter les bases des conditions qui feront du département le maillon fort du commerce avec les pays limitrophes. 

13- Quelle lecture faites vous aujourd'hui de la convention des cadres de Bakel ?

C’est pour moi une association pas comme toutes les autres que j’ai connues depuis Kafo. Elle renferme des gens de qualité tournés surtout vers le concret. Permets-moi de saluer tous ses membres, en commençant par Bakary Diakhité le Président et leur rendre hommage pour tout le travail qu’ils abattent. Tu sais, je le dis souvent à Zackaryaou TRAORE, ce qui me donne espoir à chaque réunion de bureau c’est cette récurrente question que pose Bakari pour chaque acte que l’on désire poser: « Qu’est-ce que ça nous permet de faire concrètement pour Bakel ? » C’est simple mais ça précise tout l’objectif qu’a la convention pour notre terroir : Le servir le mieux possible. 

14- Vous suivez de très près la politique sans être militant d'aucun parti politique, quel diagnostic faites vous de la politique Bakéloise des années Cheikh à celles d'Aminata DIALLO ?

Elle est ce que la situation sociale et culturelle du terroir en a fait. Cette situation a paralysé l’essentiel des compétences que regorge notre contrée. Et c’est dommage. C’est notre responsabilité à tous. Alors éveillons les consciences, bousculons les tabous en ayant un seul objectif : Développer notre contrée. Je salue le courage de tous ceux qui se sont engagés même si j’ai beaucoup de reproches à leur faire.  Maintenant, parlant des hommes je crois sans être avec lui que Cheikh a été le politicien qui a le plus fait pour Bakel. C’est, à mon sens, très tenu mais il nous faut d’abord prouver que nous pouvons faire mieux à nos positions et dans nos organisations respectives.

15- Vous avez été professeur en Casamance plus précisément à BIGNONA pendant 11 années,  comment avez-vous vécu le problème casamançais ?

Durement dans ma chair comme tout Sénégalais, j’allais dire comme tout Africain qui voit des parties de lui-même s’entredéchirer. Personnellement,  j’y ai eu mes nuits mais je ne veux pas en parler ici. J'ai eu des pertes que rien ne saurait remplacer . 

16- Vous avez perdu un frère militaire ( Caporal Chef Adama CAMARA ) tombé aux champs d'honneur dans ce même conflit casamançais, quel appel lancez-vous aux autorités et aux rebelles pour sécher les larmes de toutes ces familles qui perdent quotidiennement leurs fils, frères dans ce bourbier sudiste ?

Adama était pour moi un frère et un fils. A bignona, il y a fait une partie de ses études avec moi avant d’y retourner comme soldat. C’est quelqu’un d’extraordinaire ! Il n’est pas possible de sécher les larmes quand on a perdu quelqu’un comme cela et dans ces conditions mais bon….. ( koulo nafsil zayi khatil mawti). Résoudre le problème casamançais  suppose que l’on mobilise de façon très intelligente toutes les énergies.. Le problème est complexe parce que sa solution n’est pas seulement militaire. Elle est moins militaire que politique, culturelle et sociale. Tous les sénégalais de toutes les régions sont contraints de trouver une solution à ce douloureux problème, il y va de la survie de la nation. 

 
17- Revenons à Bakel avec un tableau plus gai, vous avez été un des grands acteurs des mouvements des navétanes de Bakel des années 80. Quels souvenirs pouvez-vous partager avec nous de ces périodes ? 

Il y en a beaucoup mais je retiendrais seulement ce plaisir que nous donnions à nos quartiers respectifs, cet engouement pour nos ASC, cette communion avec tous malgré quelques adversités. Des vieux aux jeunes tous étaient concernés. Je salue la mémoire de pères et de grands à moi aujourd’hui disparus. Je citerai Mpa Abdou Tamboura, Grand Pape Diop,  Grand Brico… Je suis d’ailleurs resté ami autant avec d’anciens coéquipiers que d’anciens adversaires et aujourd’hui aucun ressentiment ne subsiste ; rien que des amitiés. C’est beau le sport.

18- Avec Méry Nanko de Djambar, vous êtiez sans doute les grands terreurs des défenses adverses de Bakel. Malgré mon jeune âge à l'époque, je peux témoigner de votre immense talent d'attaquant de foot, mais vous fûtes également un grand simulateur ( Rires ), pourquoi ce style ? 

Simulateur moi ? Tu m’as vu jouer vers la fin de ma carrière alors ( Rires ). Je ne simulais pas j’étais en avance sur mon époque (rires). Non, tu sais, j’ai joué avec les seniors à mes  17 ans  jusqu’après mes 30 ans et presque tous les matchs de la Renaissance et sans être remplacé dans les conditions qui étaient celles du foot à bakel . C’est dur !  il fallait se protéger contre les blessures en évitant les coups et surtout que j’étais une cible facile parce que mon jeu est basé sur la rapidité et la hargne. 

19- Aujourd'hui, ce loisir qu'est les Navétanes peine à prendre des couleurs à bakel faute d'infrastructures dignes de ce nom, en tant qu'ancien animateur que doit-on faire selon vous pour redorer le blason du Football Bakélois ? 

 Aant d’être un problème d’infrastructures c'est d'abord un problème d’organisation et de compétencs. La plupart des anciens footballeurs se sont éloignés de l’organisation et de la gestion du foot à bakel. En plus la prolifération de nouvelles ASC nées des cendres des Asc traditionnelles pour diverses raisons tue le sentiment d’appartenance à un quartier et donc l’engouement des gens pour ces manifestations. 

20- Renaissance, votre club de quartier rimait très souvent avec hooliganisme ( Rires ), en tant qu'ancien grand footballeur, comment avez-vous vécu les récents évènements malheureux du foot sénégalais ?

 Nous n’étions pas des hooligans. Les gens de mon quartier étaient organisés pour supporter leur ASC. D’ailleurs l’adversité c’était surtout durant les matchs Renaissance - Jambars et ceux qui dirigeaient cette ASC c’était des parents et des cousins voire des oncles etc …Cela se limitait au terrain. 

Le mot qui résume mon sentiment lors du match Sénégal – Côte d’Ivoire c’est : Honte. Honte que des gens (ceux qui gèrent le foot national)  par une politique de communication catastrophique aient poussé le public à réagir de cette façon. Nous nous trompons toujours sur le sénégalais. Nous ne sommes plus ce peuple non violent qui règle ses problèmes par le « dialogue ». Notre  société a fondamentalement changé et ceux qui dirigent doivent être plus prévoyants et plus à l’écoute du peuple !

21- Quel est votre dernier mot ?

Encore merci pour cette interview. Pour dernier mot, je formulerais des prières pour la paix et la prospérité pour tout le Sénégal et encore plus pour tout le département de bakel; Que Dieu assiste la convention des cadres et toute autre structure qui œuvre pour le développement de notre cher terroir. Tous ensembles nous réussirons !

Propos recueillis par Samba Fodé KOITA dit EYO, www.bakelinfo.com

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