
Après sa rencontre avec Moussoucoura et ses camarades, ces élèves engagés pour étudier coûte que coûte, Mocirédin se déride petit à petit. Les commissures de ses lèvres s’écartent de temps en temps et un semblant de sourire éclaire son visage rabougri par tant de temps de souffrance : la mort de Moukhoutari son ami, il y a seulement quelques mois
Sans délaisser ses bonnes vieilles pratiques : prier, égrener son chapelet, méditer, Mocirédin rouvre les yeux, les écarquille et voit le monde autrement, un monde irrationnel devenu incompréhensible, plus compliqué.
Partout, à travers les médias de notre pays : radios, télévisions, journaux, lignes, un animal défraie la chronique. Cet animal a bon dos ! Il endosse tous les maux des autres. Le dictionnaire le décrit comme un mammifère voisin du cheval ; ses longues oreilles et son pelage généralement gris le distinguent des autres bêtes, même si de plus en plus, on en voit des blancs, des albinos, des noirs.
Au sens figuré, être traité comme cet animal revient à dire qu’on est une personne ignorante, un esprit borné.
L’âne (puisque c’est de lui qu’il s’agit) est un animal très utile. Compagnon de l’homme, il l’accompagne dans ses travaux, surtout les plus pénibles.
Pour le transport (lourd) : l’eau, le bois, le sable, les personnes, l’âne est là. Il est là, s’époumonant par de tristes braiments, parfois messages incompris par les hommes. Du matin au soir , sans boire, sans un brin de paille, sans un grain de mil ,harassé par plus de quinze heures de labeur, exténué, il est quand même et malgré tout cela << libéré>>, laissé à lui-même, traînant dans les rues du village à la recherche de nourriture.
Animal de trait, il est utile aussi dans les travaux champêtres.
Ce qui fait l’actualité, aujourd’hui et qui impressionne Mocirédin, ce qui le fascine, c’est la focalisation de l’attention du monde sur l’âne, son nouvel emploi, cette façon nouvelle d’utiliser cet <<ami>> désintéressé de l’homme : sa viande dans nos marmites !
Cette pauvre bête, sans chemise ni culotte avec cependant un bonnet virtuel qui n’enchante aucun élève de la planète qui le porte, a la malchance de crever l’actualité !
On ne parle désormais plus que de la viande d’âne ! Les consommateurs sont assommés, groggy, ko, presque morts !
Les bouchers et même les services d’élevage sont indexés, pointés du doigt par les populations pour leur manque (certains disent leur absence) de contrôle avant l’abattage ,puis la vente.
L’utilité de l’âne n’est plus à démontrer : il est abattu pour nourrir dans les parcs zoologiques d’autres animaux. Pour le seul parc de Dakar, 11 ânes sont nécessaires par semaine, soit 44 par mois ; cela représente 528 ânes par année pour ce seul parc !
Prendre en compte la réserve de Bandia et le Parc National du Niokolokoba oblige à multiplier par trois au moins le nombre d’ânes trouvé au Parc de Hann.
Les Asiatiques, dit-on à travers la presse, aiment bien la viande d’âne ! Ils la consomment avec un grand plaisir. Cet abattage, a appris Mocirédin , se fait légalement dans les abattoirs, en présence d’agents d’élevage qui valident sa consommation par un cachet sur la viande .
A ce rythme, cet animal malaimé, mal protégé, malgré son utilité, risque de disparaître de notre pays et créer chez l’homme, l’utilisateur ou le consommateur, un vide qu’on peut difficilement combler !
La nature ayant horreur du vide, sauvons l’âne, << l’ami>> de l’homme.
Quant aux bouchers, ces abatteurs clandestins, ils doivent être poursuivis jusque dans leur dernier retranchement et punis par les lois de notre pays, sévèrement ! La plupart du temps, c’est de la viande d’ânes malades, mal en point ou hors service qu’on brade à des prix défiant toute concurrence, à des personnes démunies. Il faut accentuer le contrôle et sévir sur les fautifs !
-N’est-on pas pire (ou plus bête) qu’un âne en répondant à son coup de pied ?
-Quand on agit comme un âne, il faut appeler un bûcheron !
Que vous inspirent ces deux phrases tirées de sa gibecière par Mocirédin ?
Idrissa Diarra;www.bakelinfo.com