
A peine la prière de 14 heures terminée dans la mosquée de son quartier, Mocirédin se précipita pour rejoindre son domicile. Il faisait très chaud. Le soleil, ce jour-là a dardé tous ses rayons. Il n’a rien gardé en réserve ! Tout le monde transpirait.
En passant à côté de son enfant, il l’entendit dire à ses camarades :
" - Une proposition indépendante est une proposition qui ne dépend d’aucune proposition et aucune proposition ne dépend d’elle. C’est notre maître monsieur Bathily qui l’a dit ! "
Mocirédin regarda les garçons qui révisaient et se dit tout bas :
" - Je ne sais pas ce qu’est une proposition mais le mot qui le suit doit être synonyme de LIBERTE. "
Alors son esprit commença à vagabonder, à errer dans l’espace et dans le temps. Il a quarante (40) ans. Son pays fêtera ce 04 Avril 2016 ses cinquante six (56) ans. Son père, l’ami du vieux Mamadou Sakho, lui racontait souvent des faits qui se sont déroulés durant les années fastes qui ont précédé l’indépendance de notre pays, avant 1960. A cette époque, l’on chantait lors de la fête du 14 Juillet ; " allons enfants de la patrie, le jour de gloire est arrivé…"...La vie était belle ! Les relations entre les hommes étaient saines, honnêtes, franches .Les gens étaient libres malgré ce vent de " noble" et " d’esclave" qui planait encore dans certains milieux ! LIBERTE !
Les chants s’élevaient souvent dans les champs où les récoltes étaient abondantes. Des bras ? Il y en avait. Ce sont eux qui nourrissaient les familles : plus d’hommes, plus de travailleurs, plus de mil, de maîs, de riz…
Le Colon, de son très lointain pays, par l’intermédiaire du Commandant de Cercle, un blanc vraiment adulé par les populations intervenait en distribuant, à tout moment, des vivres.
Nos terres étaient fertiles et sans engrais elles donnaient le meilleur d’elles-mêmes !
Les nuits de Saré Demba étaient folles, pleines de gaieté. Les tams-tams, tous les tams-tams, du "dondonghé" tambour d’aisselle au "doungdounghé" gros tambour en passant par le "dioubouré" tambour des cordonniers , jusqu’au "djimbé" de nos voisins de chez Soundiata Keîta, tous animaient ces inoubliables soirées .
Les grandes danseuses de l’époque fixaient à jamais ces moments dans la mémoire des villageois.
Téguédou ? Sippa ? Khoumba Méta ? Qui ne se rappelle ces noms ! Leur présence au milieu du grand cercle formé par une foule dense endiablait toujours l’atmosphère. Et quand Khambo, affectueusement surnommé Mamakhé, faisait "parler" son tambour, des cris déchiraient l’air.
<<-Ha ! Indépendance ! Tu m’as pris ces moments qui ne reviendront jamais ! Jamais ! murmura Mocirédin .. Depuis plus de cinquante cinq (55) ans qu’on nous dit indépendants, des présidents au nombre de trois ont fait leur temps ! Le premier :20 ans. Le deuxième : 20 ans. Le troisième :12 ans. Le quatrième est en train de dérouler son premier mandat de sept ans celui-là.
Que de regrets ! Quand finiras-tu INDEPENDANCE pour que "nos" Colons nous reviennent et nous remettent au pas, en nous rappelant nos leçons de morale et d’hygiène ? Continuerons-nous à pincer ensemble nos koras,, à frapper nos balafons à entendre rugir dans nos brousses un seul lion rouge ou noir, dignement ? Peut-être. Peut-être cette année avec les défilés civil et militaire prévus dans tout le pays ! C’est bien ! Très bien ! Très, très bien ! Mais après la fête et ses flonflons, le train-train quotidien tire et attire vers la réalité : les divergences partisanes, les difficultés économiques , causes des grèves des travailleurs d’une manière générale. Ne fallait-il pas, se dit Mocirédin, prendre toute cette masse d’argent, ajouter une partie aux bourses familiales très insuffisantes et régler une partie du problème des enseignants ?>>
En tout cas, pour Mocirédin, la vie continue !
Idrissa Diarra, www.bakelinfo.com