
C’est devenu une habitude. Avec cette chaleur du mois d’Avril, Mocirédin ne sort de chez lui que pour se rendre à la mosquée de son quartier.
Dans les rues, il y a un calme plat. Les enfants, d’ ordinaire, bruyants, siestent sous les arbres ou à l’ombre des cases.
<<- Peuh ! Peuh ! Peuh ! Je n’en peux plus ! Si j’étais né à Bakel, Bakel là-bas au Nord, en Hollande, je serais peut-être sous un bon climat, pensait Mocirédin. Plus de 40 degrés à l’ombre ! C’est trop ! >>
Sa nièce Fanta, fraîchement arrivée de France depuis seulement trois jours, était face à la télé, en train de se lamenter, de gémir elle aussi, maudissant le climat qui l’accueille mal, elle qui s’est absentée du pays depuis 2011 : cinq ans seulement !
Mocirédin s’approche de la fille de son grand frère au moment où le Ministre du travail passe à la télé, parlant de la fête du travail (des travailleurs), le 1e Mai.
Il se concentre sur le petit écran et écoute attentivement monsieur le Ministre.
Il se met à rire devant sa nièce tout à fait étonnée.
<<- Tu sais, Fanta Aminata, cet homme ne représente rien pour moi ! Je ne suis ni agent de l’état ni travailleur du secteur privé. Cependant, je vais tout faire pour l’empêcher de dormir !
Le 1e Mai est une fête pour les travailleurs qui nous narguent avec leurs belles tenues de fêtes, leurs tee-shirts, leurs chants et leurs danses durant toute une journée après le dépôt de leurs cahiers de doléances qui renouvellent les mêmes revendications depuis 55 ans ! Quelle honte !
Je vais réunir tous les chômeurs du pays. TOUS, sans exception ! J’appellerai Eyo de bakelinfo pour qu’il couvre notre événement : le 0 2 Mai, fête des CHÖMEURS, tous habillés en vert, la couleur de la nature, couleur de l’espoir, espoir de se libérer, d’avoir du travail comme tous les hommes ! Cette journée ne coûtera rien, ni à l’état, ni aux entreprises. Elle n’est pas chômée car nous sommes déjà chômeurs. Au contraire, ce jour-la nous nous échinerons à trouver du travail, à attirer l’attention des autorités sur nous, à sensibiliser nos enfants, qui, au rythme où se déroulent les choses, risquent de grossir notre nombre (les chômeurs).
Dès aujourd’hui, avec ceux que je pourrai convaincre, car les chômeurs sont difficiles à sensibiliser, ils ne croient en rien ; nous nous occuperons des banderoles, des mégaphones et des sachets d’eau. >>
Sa nièce se mit à sangloter puis plia deux billets de dix Euros qu’elle voulut mettre dans la main de son oncle. Mocirédin, très surpris refusa de prendre l’argent.
<<-Je suis chômeur, pauvre, mais j’ai ma dignité ! Après tout, je suis Soninké ! >>
Mocirédin se met alors à murmurer la chanson qu’eux les chômeurs chanteront le 02 Mai dans les rues du pays, de ce pays qui appartient autant aux travailleurs qu’à eux les pauvres CHÖMEURS !
<< Chômeurs du Sénégal, de notre beau pays, unissons-nous.
Si nous voulons éviter de devenir fous.
C’est notre droit, comme tous d’avoir du travail.
Si dans les rues on ne veut pas de la pagaille,
Autorités, nous sommes aussi de ce pays
battons-nous pour ne pas être trahis !
Mais malgré notre vote, nous Luttons,
Alors , levons-nous et ensemble chantons :
Allez, allez, allez chômeurs debout, debout,
Si nous voulons, avec tout le monde, voir le bout.>>
Idrissa Diarra,www.bakelinfo.com