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La Voix du département de Bakel

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<< ALLAHOU AKBAR ! ALLAHOU AKBAR ! >>C’est la voix de Bassirou Mamadou Bougou,le muezzin de la mosquée de la montagne Centrale.
Mocirédin se lève précipitamment, fait ses ablutions et se dirige vers la << maison de DIEU >>.
En cours de route, il partage le reste du chemin avec Ladji Khonté et Madou Khambo. Malgré son petit espace, cette mosquée reçoit du monde, surtout le soir : le reste de la journée, les gens du quartier sont en ville à la recherche de quoi survivre. Certains sont tailleurs, électriciens, maçons tandis que d’autres vendent au marché ou conduisent des << taxis-clandos >>, des << motos-Jakarta >>. La vie est dure en ce moment. Du matin au soir, des hommes et des femmes se battent pour permettre à leurs familles de jouir des bienfaits du travail.

 

Diambéré Khoumba s’égosille depuis l’aube pour que les enfants se préparent pour l’école ; Mmatokhora et son frère traînent encore dans la maison, celle-ci cherchant un stylo à bille, celui-là demandant cinquante (50) francs pour sa participation à l’achat du balai de la classe, sur insistance du maître.
La maison reprend son calme après le départ des élèves. Khoumba pose une calebasse de bouillie chaude de maîs  à côté de son mari qui se dresse, affamé pour savourer le mets présenté par son épouse.
Mocirédin se remet sur son lit mais ne parvient pas à fermer l’œil. Il se tourne et se retourne ; il se couvre puis  enlève aussitôt la couverture ; il aère la pièce en ouvrant la fenêtre et la porte. Il les referme très vite. Une certaine anxiété le gagne. Il ne sait plus ce qu’il faut faire. Malgré le froid matinal, l’époux de Diambéré transpire à grosses gouttes. Il regarde à droite, à gauche sans voir son éventail. Exaspéré par des idées venues il ne sait d’où, il place ses pieds dans ses vieilles babouches et sort de la maison.
Son épouse le voyant sortir si vite, s’inquiète tout en ne négligeant pas ses travaux domestiques. Elle remue la tête puis commence à chanter << Yakharé >>, c’est-à-dire la femme, pour se donner beaucoup  plus de courage.
Les margouillats sur les murs, les coqs picorant le reste des graines près des mortiers, les cabris bêlant après le départ des chèvres sous la conduite du berger, les moutons qui divaguent, tous ces animaux   s’étonnent d’entendre le frou-frou ahurissant du grand boubou de Mocirédin. Il ne marche plus Mocirédin, il court le mari de Diambéré Khoumba et dans sa course aveugle, les cailloux roulent devant lui poussés par la pointe de ses vieilles chaussures.
Derrière le Fort Faidherbe, actuelle préfecture de Bakel, face au fleuve Sénégal, assis sur un rocher, Mocirédin fixe cette étendue d’eau qui scintille sous les rayons du soleil de ce début du jour. Quelques pirogues pleines de marchandises accostent. Elles viennent du Mali voisin. Notre trait d’union, le fleuve, pendant la saison des pluies comme en période de décrue ne les apeure pas.  Depuis les arrière-grands-parents de Harouna Simbé , de Saîba Traoré, d’ Arouna Kampo et de Salou Coulibaly ,  l‘harmonie a toujours existé entre les Somonos, les Bossos et les génies de l’eau. Ils ne craignent rien sur ou sous ce liquide aux multiples vertus.
Mocirédin expulse bruyamment l’air contenu dans ses poumons. Il se rappelle ce qu’aime souvent lui dire  son ami Kader : << quand la case de ton voisin brûle, ne sois pas le dernier pour intervenir. Eteins vite le feu avant qu’il ne prenne ta case aussi. >> Il pense à la Gambie et se pose des questions sur la situation de ce pays voisin. Les élèves du doyen Diaman Bathily lui racontent, après leur retour de l’école que leur maître, grand pédagogue, dit que le Sénégal est une tête, une tête de personne avec Dakar placé  sur le nez, Saint Louis à la naissance des cheveux sur le front, Bakel à la nuque, Tambacounda dans le creux de l’oreille. La Gambie, cette enclave, représente la bouche de cette personne. En la fermant nous asphyxions, nous Sénégalais, nos voisins. En l’ouvrant de trop nous nous enrhumons et  recevons des microbes venus de partout. Que faut-il donc faire ?
-La fermer pour tuer nos voisins
-L’ouvrir largement et tomber malade
-La laisser telle quelle en vivant dans l’inquiétude ?
Sénégalais et Gambiens sont des Sénégambiens. Depuis la nuit des temps nous avons  toujours vécu en parfaite harmonie bien que nos  << colonisateurs >> ne parlent pas la même langue. Tout le monde le sait : le Wolof, le Manding, le Diola, le Soninké, le Peul nos langues maternelles sont aussi bien parlées de par et d’autre de nos frontières <<coloniales >>.
Prions tous dans nos mosquées, nos églises pour que ces élections gambiennes trouvent un dénouement heureux pour, d’abord, le peuple gambien frère, pour le Sénégal, l’Afrique, enfin pour le monde entier.
De son pied droit, Mocirédin pousse une grosse pierre qui fait un bruit de tonnerre en dégringolant avant de tomber dans l’eau, apeurant les grenouilles, les poissons et les lingères des deux côtés du fleuve. Il se lève lentement cette fois-ci ; toujours à pas lents, il reprend le chemin de sa maison où tout à l’heure il va retrouver sa chère épouse Diambéré Khoumba.


Idrissa Diarra, www.bakelinfo.com

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