
Le temps commence à changer au grand bonheur des habitants du Gadiaga ! La chaleur, des mois durant, les a irrités. Les nuits deviennent « vivables » et les jours moins chauds.
Les voleurs orientent leur travail nocturne hors des maisons vers les violences dans les rues, n’hésitant même plus à opérer à visages découverts.
La presse est très développée. Les milliards d’hommes sur terre ne craignent plus la mort à force de voir ou d’entendre des atrocités à travers les médias.
Le « voyez-moi, je suis là » est devenu tellement important pour les hommes que les vertus sont rangées dans les paniers des grand-mères. Jeunes comme personnes âgées, hommes et femmes ne pensent plus à la manière d’avoir, d’obtenir l’avoir, le savoir, le pouvoir. Le devoir dort dans les dépotoirs, parfois trouvé par les « recycleurs », ceux qui continuent d’appliquer les paroles du Chimiste français Antoine Laurent de Lavoisier : << RIEN NE SE PERD, RIEN NE SE CREE, TOUT SE TRANSFORME !>> Les « Boudioumanes », hommes extraordinaires, vivent de déchets, habitant presque à côté des dépotoirs d’ordures pour ne pas perdre l’arrivée des camions qui viennent vider leurs sales chargements qu’ils vont ensuite « transformer » et les remettre entre les mains des populations démunies.
Ainsi, des bouteilles aux vieux vêtements, des machines de toutes sortes aux boîtes de conserves, tout revient sous une autre forme après le passage entre les mains de fées de ces « magiciens » d’un genre nouveau.
Malgré toutes les précautions prises par Diambéré Khoumba pour ne pas troubler la méditation de son époux Mocirédin accroché à son chapelet qu’il égrène depuis l’aube après la prière, la bonne dame trébucha et faillit tomber. Son mari se leva brusquement pour la recevoir dans ses bras vigoureux.
Il se demanda ensuite si ce n’était pas une technique, une manière bien féminine de « contrôler » les sentiments du conjoint !
En tout cas, Mocirédin en profita pour ranger son chapelet, joindre les deux paumes de ses mains devant lui et terminer par dire à haute voix : ALLAHOU AKBAR !
Il ajusta la natte de prière sur laquelle il était assis tout à l’heure puis se coucha, la tête posée sur un oreiller amené de la chambre par Diambéré Khoumba. Il ne pourra pas dormir, le pauvre ! Les va-et-vient provoquants et provocateurs de
son épouse sans oublier l’odeur de l’encens qui se dégage de la chambre, le perturbent. Il se ressaisit et lance comme un cri de guerre <<ASTAKHFIROULAH !>> trois fois, en changeant de position.
Son esprit se mit aussitôt à errer dans le monde. Il pensa à sa vie, à celle de ses amis d’enfance : Ndirissa Sidi loin de Bakel, là-bas chez Thrump, Boulaye Touré à Dakar, Siré Kâ à Kaffrine, Papa Cissokho, Doudou Dialy Konaté, Ablaye Fassé Manthia et Aladji Mpaly Wane en France…Ils sont nombreux à avoir quitté Saré Demba. Lui n’a jamais vu Kidira depuis sa naissance, il y a maintenant plus de cinquante ans. DIEU est grand ! LUI seul sait pourquoi IL l’a retenu ici, dans cette chaleur, à travailler la terre et à élever parfois des moutons et des chèvres.
Il se dit :
<<-Je crois en DIEU. Je suis né musulman, j’ai grandi musulman et je mourrai musulman ! Notre monde, bien que le rôle des médias soit d’éduquer, d’informer, bascule dans la violence. Il n’y a pas un jour qui passe sans meurtres atroces, sans viols, sans vols, sans…Et pourtant, nous partageons l’une des trois religions révélées qui se référent toutes à des textes sacrés : la TORAH pour les Juifs, la BIBLE pour les Chrétiens et le CORAN pour les Musulmans.
Jérusalem, Rome ou la Mecque attirent pourtant, chaque année, des millions de pèlerins tous pour un même objectif : la paix dans le monde. Est-ce l’impureté des cœurs, la non franchise des prières ou sont-ce les vœux inavoués des hommes de se nuire, se détruire et par la même occasion créer le chaos. Les riches conforteront leur position tandis que les pauvres, devenant plus nombreux alourdiront le plateau de la balance sur lequel ils sont malencontreusement installés.
Le nouvel homme, l’homme des temps modernes ne croit plus qu’au pouvoir de l’argent. On le sait les trois religions Abrahamiques citées plus haut sont basées sur la FOI, une foi qui demande tout simplement de CROIRE.
Or, Croire, comme dans l’Islam, c’est la soumission et la sujétion aux ordres de DIEU.
Que faire alors pour transformer à la manière des « Boudioumanes », ces « Recycleurs » de déchets aux doigts de fées, notre monde perverti, pervers à la limite, violent, inconscient des dangers qu’il se crée et qui l’enfoncent, chaque jour qui passe vers l’ENFER.
Le marabout Mamadou Khoumba Tandjigora de Kounghany ne disait-il pas que l’Islam est une révélation divine, une religion monothéiste, de vérité spirituelle, de lumière intérieure, d’amour, de fraternité humaine, de justice sociale, ouverte à toutes les races et à tous les peuples sans aucune distinction de sexe ?
Moi, je rêve de voir notre monde plus intéressé par les religions car les hommes vont changer.
-Je te sens plongé dans tes pensées, mon mari, mais ta bouillie de maïs est déjà prête. Dois-je te la servir tout de suite ?
- Oui, Diambéré Khoumba, puisque je ne peux pas transformer le monde, laisse-moi au moins changer mon rêve en réalité chez moi. >>
Idrissa Diarra, bakelinfo.com