
<<-Ah s’écrie le pauvre Mocirédin ! Depuis les temps les plus lointains de notre relative jeune histoire, les années se suivent et se ressemblent.
Les populations, comme leur environnement ne bougent pas. Ils stagnent tous les deux. Certains pensent même qu’ils sont en train de tomber, de chuter, de dégringoler. Qui n’avance pas recule !
Deux points inquiètent le mari de Diambéré Khoumba. Il ne parvient pas à dormir d’un sommeil lourd comme après les durs travaux champêtres d’autrefois. Il s’agit de :
- la rentrée des classes et,
- de la vie politique nationale.
Ces deux points, pour lui cruciaux, l’assaillent, le persécutent, le déstabilisent, le rendant nerveux, lui qui, d’ordinaire calme perd sa sérénité légendaire.
Des écoles sont fermées et leurs élèves partagés comme des biscuits entre d’autres établissements déjà surpeuplés, parfois même, autant que les premiers, pataugeant dans des eaux de pluies.
L’ONG « HUMAN RIGHT WATCH » a remué une vieille plaie, celle des viols, des violences et grossesses des <<apprenties>> face à leurs maîtres, ces messieurs sensés les élever, les protéger, les éduquer !
Partout dans la Presse (écrite comme parlée), les enseignants sont vilipendés par des <<mécontents>>.
Comme un seul homme, Syndicats d’Enseignants, Ministère de tutelle, parents d’élèves réagissent violemment contre l’ONG accusatrice, la traitant de tous les noms d’oiseaux pour n’avoir pas élargi sa base d’enquêtes dans plusieurs régions.
Cependant, le Représentant de JAMRA, en toute lucidité a appelé au calme toute la communauté en citant des faits réels incriminant des enseignants, sans pour autant oublier d’écorcher l’ONG pour ses <<visées>> inavouées dans
le domaine de l’éducation sexuelle dans les écoles depuis la Case des tout-petits, en passant par les écoles élémentaires jusqu’aux Lycées.
Mocirédin change automatiquement de sujet et revoit en image le Rappeur local, le chouchou des jeunes bakélois « FOU GUERI », familièrement appelé « FG » devant une foule de garçons et de filles exaltés, s’égosillant, micro en main, haranguant son auditoire à répéter certains refrains de ses chansons engagées.
« -Loin d’être une balle de fusil qu’utilise à tort ou à raison n’importe quel « guerrier irascible », je suis devenu l’arme nouvelle, la « voix des sans- voix », l’oreille des sourds, l’œil des non-voyants.
Je veux désormais représenter mon peuple, trompé, fatigué, usé durant des années par les colons d’abord puis par ses propres fils. »
S’adressant aux politiciens qui migrent vers de nouvelles prairies plus herbeuses, il chantera :
« Chèvre, poule, mouton, cheval, chameau ou vache
Je suis un animal domestique qui craint la cravache !
Le berger est mon maître incontesté et grâce à son bâton,
Qu’il dise ici ou ailleurs, j’évite ses méchants coups de talons.
Son regard me guide et téléguide tous mes actes :
Nous nous comprenons sans avoir signé un pacte
Car ses désirs, même les plus insensés, pour moi, sont des ordres
Que j’exécute sans murmure et sans me morfondre.
L’homme sadique m’appelle TRANSHUMANT :
C’est parce qu’il est envieux et vieux dément.
Quand je me déplace vers les nouvelles belles prairies,
Mon mouvement de soutien m’accompagne avec huile et riz ;
Il faut bien survivre. Ce n’est plus une honte dans mon pays !
Autrefois, tu étais sous-estimé, banni, exilé et même haï.
Tes proches : femmes, enfants, amis, tous te fuyaient.
Aucun parent, sincèrement, n’essayait de t’appuyer.
Les vertus ont disparu, les mauvais comportements ont noyé le Sénégal,
Ils ont inondé les bonnes manières, les pratiques jadis légales.
« Sunugaal » est devenu une gale, une plaie, une gangrène
Cette ivraie qui ne sera jamais comparée à la bonne graine !
Transhumant, tu mens et tu prétends que tu soutiens,
Amateur de belles prairies, sache que l’autre camp sait que tu ne sers plus à rien.
Alors, rhabille-toi, reporte ce beau boubou de la DIGNITE
Marche, tête haute, le buste droit et savoure ce qu’est la FIERTE ! »
Mocirédin, comme à son habitude, quand il est à court d’idées, remue plusieurs fois la tête, tape son genou droit avec la main gauche et finit toujours par crier : « ALLAHOU AKBAR ! »
Il ne résoudra aucun problème, il le sait lui-même, mais personne ne l’empêchera de penser et d’émettre ses idées aussi saugrenues soient-elles!
Idrissa Diarra