
Après le premier appel à la prière du crépuscule par le muezzin Abdou Salam Koité, avec sa voix chaude mais mielleuse, Mocirédin s’est levé calmement de son lit.
Il s’est approché des canaris pour remplir une bouilloire. Lentement, il s’est assis sur un banc pour des ablutions, ignorant Diambéré Khoumba son épouse qui allait et venait de la cuisine à la chambre en chantonnant << Ndougou-Demba >>.
Mocirédin lève l’index droit vers le ciel et prononce des mots presque inaudibles.
Il sort précipitamment de la maison sans jeter le moindre regard à son épouse chérie qui ne cesse de tenter de charmer son homme par ses déhanchements provocateurs au moment où à l’ouest, l’astre du jour commence à s’incliner pour laisser la place à celui de la nuit.
Des éclats de voix et de rires redressent Diambéré de son attitude rêveuse. Le feu de bois somnolait lui aussi ! Avec son éventail, les coups de vent envoyés par la bonne dame ravivent la flamme qui éclaire en même temps la maison.
Mocirédin en verve revient de la mosquée avec Bala, le fils du vieux Aly, le cheminot.
<<-Bonsoir Bala ! Comment va ta famille ? Lamine et Ablaye se portent-ils bien ? Depuis quand es-tu à Bakel, demande Diambéré ?
-Je suis arrivé ce matin par le bus WARABA. Malgré la fatigue, je fais le tour du quartier << Montagne Centrale >> pour des visites de courtoisie. Je retournerai jeudi prochain à Dakar par le même moyen de transport, répond Bala.
-Diambéré, ton dîner est-il prêt, intervient Mocirédin ?
-Tu sais bien, mon mari, que moi, je ne fais que préparer ! C’est votre repas et il vous attend.
-Tu peux donc servir, ajoute Mocirédin. Bala va apprécier ton talent de cordon-bleu.
-Ce sont les vieilles marmites qui font les bonnes sauces. Je me rappellerai toujours avec beaucoup de nostalgie, les petits plats qu’elle nous mijotait autrefois, se souvient Bala.
-Dakar-Bakel est une distance cauchemardesque. Après le dîner nous te libérerons pour te permettre de te reposer.
-La Route Nationale (RN1), de Dakar à Tambacounda est un rêve. On se croirait en Europe. A partir de Tambacounda, le calvaire commence avec les nids de poules (pour ne pas dire nids d’oies), des tronçons, pires que des sentiers caillouteux, des ponts inimaginables mais surtout de gros porteurs, en grand nombre, dans les deux sens (Tamba-Kidira et Kidira-Tamba), dit Bala.
Entre Goudiry et Bakel, nous avons dépassé trois camions-remorques, toutes les multiples roues en l’air ! Ce qui m’a poussé à me poser des questions, à m’interroger sans obtenir de réponses.
Au Sénégal, les maladies tuent. Enormément ! Le paludisme, Ebola, le SIDA, le cancer et tout dernièrement la Dengue sont des maladies beaucoup craintes car ravageant par milliers, les
populations. Les armes, devenues plus sophistiquées et plus dévastatrices, utilisées dans les conflits qui s’éternisent, déciment les mêmes cibles ! (Pauvres populations !) Cependant, Mocirédin, la vérité, la seule vérité qui vaille, même si elle est dure à accepter, c’est que, ce sont nos routes qui sont plus meurtrières que les maladies !
Les routes tuent ! Dans le monde, les accidents de la route ont causé beaucoup de dégâts : plus de 1,3 million de personnes tuées ; 25 à50 millions de blessés. Ces accidents de la route représentent la première cause de décès chez les jeunes de 15 à 29 ans. Plus de 90% de ces décès sur les routes surviennent, malheureusement dans les pays à faibles revenus ou intermédiaires, c’est-à-dire tout simplement chez NOUS !
-Que faire ? Voilà la question, s’exclame Mocirédin !
-Reconstruire nos routes, être rigoureux pour l’obtention du permis de conduire, autoriser seulement les véhicules en bon état à circuler et que les agents chargés de la sécurité, d’une manière générale et de la circulation , plus spécifiquement fassent correctement leur travail, en âme et conscience, devant DIEU et devant nous les pauvres populations, continue Bala .
-Au lieu de philosopher, je vous prie de goûter à mon << DERE >>, s’offusque Diambéré!
-Tu as raison, Khoumba. Tu n’as rien à craindre, ta << main >> est sans nulle pareille ! Hum ! Hum ! Qu’est-ce que je disais ? Merci pour tout. Je ne vais plus mettre autant de temps à Dakar sans revenir savourer le bon << DERE >> de Sarademba !
Idrissa Diarra