
Depuis des décennies qu’il ne s’active que dans l’agriculture, Mocirédin ne s’était jamais demandé pourquoi sa vie, sa « pauvre » existence dépendait des saisons : saison sèche et saison des pluies.
Est-ce qu’il aurait mieux vécu s’il était né en Côte d’Ivoire avec une dizaine de mois de pluie ? Il ne cesse de s’interroger sur le destin, le sien. Ses questions se perdent dans l’espace et dans le temps sans trouver la moindre réponse.
Alors, en humble croyant, il se plie à la volonté du TOUT PUISSANT. Bien qu’il fasse plus de minuit, Mocirédin se lève tout doucement pour ne pas déranger sa douce moitié Diambéré Khoumba. Sur la pointe des pieds, il se dirige vers les canaris où sont rangées la plupart du temps les bouilloires. A peine sorti de la chambre, il glisse et tombe. Il a oublié que la pluie de la veille a laissé quelques flaques d’eau dans la cour argileuse de la maison.
Le bruit de sa chute a poussé son épouse à venir voir ce qui se passe dehors, même si en grande psychologue, elle « comprend » déjà tout.
La boue qui couvre les vêtements de Mocirédin explique la situation. Diambéré retourne dans la chambre puis revient avec une couverture qu’elle tend à son mari. Ce dernier se débarrasse de ses habits sales et se dirige vers les toilettes. Drapé dans la couverture à l’image des pèlerins à la Mecque, Mocirédin s’assoit sur un banc et commence ses ablutions.
Il prie deux « rakas » et termine presque la nuit à égrener son chapelet.
Des <<ALHAMDOULILLAH>> et des <<ALLAHOU AKBAR>> sonores font souvent sursauter sa femme qui ronflait déjà.
Les coqs ont entamé leur « cocorico » matinal. Certaines ménagères, avec difficulté, débutent la corvée journalière. Par le bruit tympanisant des coups de pilons dans les mortiers, le village se réveille.
Mocirédin n’a jusqu’à présent pas fermé l’œil. Après « sa » veillée, il a continué sa retraite spirituelle à la mosquée de son quartier Montagne Centrale. La prière, une fois terminée, le mari de Diambéré Khoumba revient à la maison, les mains derrière le dos, la droite faisant tomber une à une , à partir de ses doigts agiles, les graines de son chapelet.
Plongé dans ses méditations, Mocirédin rejoint sa place favorite, la natte de prière méticuleusement mise là par Diambéré, pour être toujours couverte par l’ombre du grand arbre, le « Nîmes ».
Il ne se déshabille même pas. A peine étalé sur la natte, Morphée le caresse. Ses ronflements s’entendent au loin grâce au vent frais qui souffle.
Les lueurs de l’aube laissent la place à la lumière crue du jour. Les rayons du soleil énervent ceux qui ont quitté leur domicile pour une quelconque activité.
Diambéré Khoumba réveille délicatement son mari. Mocirédin plie la natte sur laquelle il était couché, s’étire puis bâille en entrant dans la chambre.
Il dormira assez longtemps pour récupérer les heures consacrées à sa méditation. Rien ne troublera son sommeil, il le sait, car « sa » Diambéré Khoumba veillera comme une sentinelle en faction devant un camp militaire, sur lui.
Il aura plus tard le temps de s’adonner à autre chose. Pour l’instant, sa tête est lourde : il faut dormir. Le destin, il y pensera à son réveil !
Idrissa Diarra