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RigueurRamadan2018

 

Loin de toute idée partisane, Mocirédin veut vivre comme le vent, c’est-à-dire libre de circuler là où il le désire.

 

Il a pris la peau du mouton de la dernière Tabaski qui lui sert de natte de prière, pour l’étaler sous le « Nîmes », cet arbre touffu, à côté des canaris, pensant y trouver un peu de fraîcheur.

 

A son approche, les poules et les chats qui avaient occupé les lieux, les premières dans un bruyant cocorico et les autres en miaulant rageusement libèrent le « paradis ».

 

 

Il se couche, la paume de la main droite soutenant sa tête, sans oublier de dire, comme à son habitude << ALHAMDOULILAH !>> qui ne quitte plus ses lèvres, à cette période du mois béni du Ramadan.

 

Je vais me coucher sur mes deux oreilles, se dit-il, libre, sans aucune pensée stressante !

 

Déjà, ses ronflements se font entendre dans la maison pourtant tranquille en cette heure du jour. De temps en temps, l’éventail que Mocirédin tient en main, malgré son sommeil profond, bouge pour chasser quelques mouches perturbatrices.

 

Le jour semble long et pénible. Le soleil darde ses rayons. Même les animaux les plus têtus cherchent des abris pour fuir l’ardeur de l’astre diurne. Les oiseaux aussi ont cessé leurs chants et se cachent sous les feuilles des arbres ou dans leur nid. Un calme plat montre le degré de température élevé dans le village.

 

Les femmes vaquent à leurs occupations traditionnelles et ne semblent pas se soucier du climat. Elles défient la température extérieure et surtout celle de la cuisine.

 

Un margouillat tombe sur Mocirédin et le réveille en sursaut. La petite bête a perdu l’équilibre en voulant éviter la lumière et les rayons du soleil.

 

Mocirédin se lève précipitamment, chausse ses vieilles babouches, bâille en s’étirant, plie la peau de mouton, puis sort de la maison sans rien dire à Diambéré Khoumba, son épouse. Il va encore errer car il n’a aucune option de direction à prendre.

 

Ses pas le conduisent sous la Préfecture, cet ancien lieu qui a vu passer beaucoup de blancs avant les indépendances dont le Général Faidherbe, à l’poque Capitaine.

 

Mocirédin se met sous un arbuste. Il regarde Gouraye, ce village mauritanien face à Bakel. La vie de ce côté du fleuve semble s’être arrêtée aussi. A part quelques lingères qui travaillent dans un calme extraordinaire, tout est figé. Les pirogues, des deux côtés du fleuve Sénégal sont amarrées. Les piroguiers profitent du manque de clients pour se coucher sous les huttes qu’ils ont construites près de l’eau.

 

Mocirédin admire la nature. Il jette des coups d’œil vers l’amont comme vers l’aval du fleuve qui a donné son nom à notre pays. Il se surprend à avoir un regard tout nouveau sur l’environnement qu’il connaît pourtant bien. Est-ce la fatigue du jeûne ?

 

Il aperçoit, là-bas, très loin, sous le quartier Yaguiné un îlot. Sa verdure l’étonne. Que voit-il encore, tout prés ? Le Service des Douanes ! Il ne l’avait jamais remarqué. Beaucoup de pirogues, en majorité, venues du Mali voisin, «  dorment » sur la rive. Entre l’eau et le Service des Douanes sont superposés des lits en bambou arrivés là, grâce aux grosses pirogues à moteurs puissants des Maliens. 

 

Mocirédin ramène son regard sous la Préfecture. Des hommes qu’on entend à peine, font le linge. On les appelle les « Macinankés », parce qu’habitants du Macina, une région malienne. Partout des pierres, des rochers !

 

Ah ! Si ces pierres pouvaient parler, elles nous auraient raconté beaucoup de belles histoires ! En silence, il les regarde, muettes comme des carpes, et commence à se poser des questions.

 

<<-Dîtes-moi, pierres, qu’avez-vous vu durant tous ces siècles ? Racontez-moi, s’il vous plaît, un peu de votre vécu !

 

Comme pour répondre à sa question, un vent léger, bizarrement frais, souffle et murmure à l’oreille de Mocirédin :

 

-Je suis l’aînée des pierres qui embellissent et servent de remparts à ce lieu symbolique imaginé et crée par les colons. Il y a plusieurs siècles, au moment où cette ville n’existait pas encore, c’était une forêt avec beaucoup d’eau tout autour.

 

Un marabout Peulh du nom d’Alpha (quelle prédiction !!!) Wane (encore une autre en anglais signifiant un (1) ) est arrivé de son Mboumba natal, dans le Fouta, pour s’installer là, dans cet endroit austère avec ses « talibés », face au fleuve, cachés dans les rochers.

 

La vie de cet homme, aïeul des Kabou et Aladji Wane, véritable ascète, se limitait à l’enseignement du Saint CORAN ! Il n’avait aucune autre activité. Pour se nourrir, les talibés exploitaient les terres jadis fertiles. Ils pêchaient et chassaient aussi. A la lumière du feu de bois, la nuit, les talibés récitaient les versets du CORAN qui éloignaient les mauvais esprits.

 

Plusieurs années plus tard, avec la dislocation de l’empire du Djolof, des membres de la famille Ndiaye se sont retrouvés à Bakel, devenant ensuite les chefs du village de la vieille ville.

 

Mocirédin s’est caché sous un arbuste, légèrement couvert par un feuillage touffu. Il oublie le temps et replonge dans le passé. Ses pensées le figent dans une époque magnifique, celle des aïeux d’abord avec les relations invisibles mais réelles entre les génies et les hommes et celle plus proche (???) de son enfance. Il ne cessera jamais de se rappeler les périodes de crue, moments très difficiles gênant la circulation, car partout, il y avait de l’eau. Son esprit revient aussi sur la période de décrue quand les eaux du fleuve se retirent doucement pour permettre aux cultivateurs de les considérer, de les suivre en enlevant, au fur et à mesure de leur recul vers leur lit, des herbes têtues qui résistent malgré leur présence.

 

Quelle époque merveilleuse où, avec des moyens archaïques, les enfants parvenaient à pêcher des poissons, à chasser des lapins, des oiseaux sans aucun effort !

 

Il se retient pour ne pas verser de larmes. Pour une dernière fois, il se lève, regarde à droite puis à gauche, remue nostalgiquement la tête et retourne à la maison retrouver « sa » Diambéré Khoumba.

 

Idrissa Diarra, bakelinfo.com

 

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