
Depuis ce lundi matin, Mocirédin est jovial. Il ne parvient plus à cacher ses dents. Qu’on le chatouille ou même qu’on l’insulte, il rit. Samba Amina, le fils du vieux Bocar le surprend dans cette situation et s’étonne de trouver son grand frère si heureux en ce début de journée !
<<-Bonjour Mocirédin, puis-je partager ta joie si matinale ?
-Je n’ai rien à partager, Samba. Tu connais déjà la nouvelle, toi qui es instruit. <<Maakoro >> a réussi à écarter l’autre candidate !
-Ce n’est pas << Maakoro>> son nom, mais MACRON.
-Samba, <<Maakoro>> signifie en Bambara, une vieille personne. Bien qu’il soit le plus jeune Président de la 5e République, il a usé d’astuces de vieux, de sagesse de vieillard, de ruse d’intellectuel, de souplesse de jeune homme. << Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années >>! <<Maakoro>> pense au monde entier en passant par l’Europe car il a compris que sa France ne s’est pas faite toute seule. Il a fallu le sacrifice des autres (Européens, Africains dont ceux qui tiraient ailleurs en ratant leurs cibles). Il sait et se souvient que la couleur ROUGE de tous les drapeaux du monde est arrosée par le SANG de quelques MARTYRS qui n’ont plus revu << leur>> peuple d’origine. Sous des températures inimaginables, dans des tenues impensables, ils n’avaient qu’un seul et unique objectif : se battre pour vaincre l’ennemi au nom de l’amitié !
-Tu deviens subitement un révolutionnaire, Mocirédin, quelle mouche t’a piqué ? Ou est-ce Diambéré qui t’a servi un plat particulier ?
-Non, Samba, je suis un révolté, pas un révolutionnaire ! J’en ai marre de voir les autres me minimiser, me considérer comme un moins que rien ! Je sais que mes humeurs n’atteindront même pas la mouche que tu vois, mais je vais me défouler pour apaiser ma conscience puis dormir tranquillement !
-Tu as bien fait. Dis-moi, Mocirédin, je t’ai vu avec deux dames blanches. Qui sont-elles et d’où viennent-elles ?
-Oh la la ! Samba, tu partais aux champs non ? Tu es trop curieux ce matin. Où as-tu passé ta nuit ? Chez la première ou la deuxième épouse? Samba Amina, ces dames sont arrivées, ce lundi 7 Mai, vers 16 heures à Bakel. Elles nous viennent de l’Ile de la Réunion. Elles vont séjourner à Tuabou, le village du Tounka, le fief des BATHILY pour quelques jours.
-Diambéré, passe-moi un banc puis tu me serviras un peu de quinquéliba sans sucre. Mocirédin, tu ne m’as pas dit jusqu’à présent ce qu’elles sont venues chercher chez nous ? L’Ile de la Réunion, ce n’est pas la porte d’à côté !
-Grâce à l’amabilité de deux professeurs d’histoire, je vais tenter de te << rendre >> ce qu’ils m’ont appris. Il s’agit de messieurs Kader Tandia et d’Abdourahmane Diallo.
La princesse Niama pour certains ou Nyouma pour d’autres, avait été capturée en 1743 par des maures berbères alors qu’elle n’avait que neuf ans. Elle était très belle et brillait comme l’or de son Gadiaga ou Galam. Après un séjour forcé au Fort Saint Joseph, à Médine au Mali, elle fut acheminée à Saint Louis du Sénégal avant d’être embarquée dans des bateaux négriers vers les îles Caraïbes.
Bien que musulmane, la princesse Nyouma fut élevée dans la religion Catholique portant désormais le nom de Marie-Geneviève. A 17 ans, Nyouma accoucha d’une petite fille, Jeanne Thérèse. Le père de l’enfant était évidemment le propriétaire lui-même, l’Ingénieur Jean-Baptiste Geoffroy. En1755, le 23 Août, naquit le deuxième enfant de la princesse et de Jean-Baptiste. Le garçon portait aussi le nom de Jean-Baptiste Geoffroy. Il eut deux autres frères : Louis et Jean-Xavier.
Jean-Baptiste Lislet- Geoffroy était un garçon très intelligent. Ingénieur, il a gravi tous les échelons jusqu’à devenir Académicien. Un lycée, une rue, le port de Saint-Pierre portent son nom. Son père décéda en 1799 à 90 ans. Sa mère, la Princesse Niama, Nyouma ou Marie-Geneviève, elle, quitta ce monde le 12 Juin 1809 à l’âge de 75 ans.
Jean-Baptiste Lislet-Geoffroy mourut, lui, en 1836 à 81 ans.
-C’est bien, Mocirédin. Mais, je ne sais toujours pas qui sont ces dames et pourquoi elles sont là !
- Tu es trop pressé Samba Amina! Il s’agit d’Héléna et de Marie-Laure. Les jeunes dames suivent à Tuabou les traces de l’ancêtre de Jean-Baptiste, montrant au monde entier l’intérêt que portent les Réunionnais, surtout ceux de Saint-Pierre, à cette Princesse qui a donné à l’Ile, un homme de cette dimension. Les deux dames se rendront aussi dans les écoles du village (élémentaire et collège) pour offrir aux élèves des cadeaux dont des maillots de sport, des ballons, des stylos à billes, des crayons noirs ou de couleurs… Héléna et Marie-Laure, très dynamiques, pensent déjà à 2018, pour la célébration du 170e anniversaire de l’abolition de l’Esclavage. Des échanges, sous d’autres formes auront lieu entre les représentantes de l’Ile de la Réunion et les populations de Tuabou. Elles quitteront le village du chef Diaman Diaramouna Bathily, le dimanche 14 Mai.
-Tu es devenu un véritable professeur d’histoire, mon Grand ! Reviendront-elles à Tuabou, s’inquiète encore Samba Amina?
-L’image qu’elles représentent pour moi, c’est un pont. Elles jouent le rôle de trait d’union entre l’Ile lointaine de la Réunion et le village natal de la Princesse Nyouma. D’ailleurs, apprends que durant leur séjour, parmi les cadeaux du chef de village, figure une médaille décernée par le Maire de Saint-Pierre. N’est-ce pas une ébauche dans ces relations ?
-Diambéré, merci pour le quinquéliba. Je suis en retard, mon champ m’attend. Il faut quand même qu’on essaie de consulter les archives nationales sans oublier de << remuer >> la tradition orale avec nos griots pour mieux nous connaitre. Je n’avais jamais entendu parler de cette Princesse. Mocirédin, au revoir !>>
Samba Amina sortit, Diambéré Khoumba se dirigea comme toujours vers son << bureau >>, sa cuisine et Mocirédin se sentit fier d’avoir enseigné l’histoire de son terroir.
Idrissa Diarra, bakelinfo.com