
Mocirédin semble rasséréné ce matin. Cela se ressent : il est couché sur le dos, un oreiller placé sous la tête, son chapelet toujours entre le pouce et l’index droits.
Il ne parle pas mais la position de sa jambe droite légèrement posée sur la gauche exprime toute la sérénité qui anime l’homme.
Son regard ne quitte plus son épouse Diambéré Khoumba qui s’affaire depuis le lever du soleil. Les va-et-vient incessants animés par le cliquetis des perles autour des hanches de sa dame le font toussoter et remuer frénétiquement son pied droit qui pend sur l’autre jambe. Un sourire éclaire son visage déjà gai de temps en temps.
Il relève un peu la tête et hèle Diambéré.
<<- Khoumba,où est Mmatokhora ( l’homonyme de ma mère) ?
-Aujourd’hui, c’est mardi, Nkiina (mon mari) ! Elle est à l’école. Que lui veux-tu ?
-Je voulais l’envoyer appeler mon ami Ndirissa Sidy. De toutes les manières, ce n’est pas grave. Je le trouverai chez sa sœur Hawa Sidy. Il doit y être à cette heure-ci.
-J’ai oublié de te dire que Kawu Boubacar, le fils du Vieux Ali était venu te dire bonjour, hier matin .Il revenait de Tambacounda.
- Et qu’a-t-il dit ?
- Rien de particulier : des salutations seulement et comme à son habitude t’envoyer quelques piques. C’est ton cousin à plaisanterie non !>>
Mocirédin suspend aussitôt le dialogue instauré entre son épouse et lui. Il se lève, pend son grand boubou sur une branche de l’arbre sous lequel il était couché tout à l’heure. Des ablutions à tout moment purifient l’homme. Il en fait puis remet le boubou ôté tout à l’heure. Sans un mot à son épouse, il se rend chez les forgerons dans la maison de feu Boulaye Loly voir Ndirissa Sidy.
<<- <<Yigo >>, comment vas-tu ? Où est Hawa Sidy ? Bonjour la maison.
-ça va ! Je m’apprêtais à aller te voir. DIEU ne fait que de bonnes choses. Il t’a déplacé, c’est bien !
- Quel programme as-tu concocté pour la journée ?
- Rien de spécial !
- Nous irons donc faire le tour du quartier et profiter des vestiges du passé. Pour nous ressourcer. Derrière Cissokhocounda cherchons les restes de la Tour Jauris. Sous le baobab séculaire d’à côté rappelons-nous quelques histoires de notre enfance.>>
Leur causerie est suspendue car un groupe d’hommes conduit un enfant décédé ce matin au cimetière de Grimpallé. Après l’enterrement, ils se retrouveront.
Ce n’est que deux heures plus tard que Mocirédin et son ami Ndirissa Sidy, côte à côte se rendirent au Pavillon René Caillé pour continuer ,surplombant la ville, à revisiter les sites historiques de notre localité, mais surtout à parler , loin des oreilles indiscrètes, de l’Education, celle de nos enfants.
<<- Tous les pays du monde doivent investir d’abord dans l’éducation, l’éducation des enfants, futurs dirigeants du monde. Ceux d’aujourd’hui ont beaucoup de chance. Ils sont tombés à une époque où tout roule à grandes vitesses : les routes, bien qu’impraticables dans plusieurs localités, restent de loin meilleures qu’autrefois. Ils ont plus d’écoles (de proximité), plus de postes de santé. Cependant, nos routes tuent encore et beaucoup plus ; nos écoles fabriquent de plus en plus de déchets humains, c’est-à-dire des garçons et des filles incapables de lire et d’écrire après plusieurs années scolaires. Ils sortent de ces centres de << formation >> complètement déformés, imitant les manières occidentales, trichant les << blancs >> dans leurs mauvaises habitudes (cigarettes, alcools, drogues, irrespect, immoralisme, etc.)
-Mais, Mocirédin, ne sais-tu pas que les enfants d’aujourd’hui, nos filles et fils sont les fruits de notre éducation ? L’école éduque, la rue aussi mais nous parents sommes les premiers éducateurs. La famille est la cellule de base. C’est elle le fondement, le socle. Sans elle, la formation de l’homme est ratée, ou presque. Les jeunes drogués, alcooliques, fous, prostituées…… viennent de notre usine. C’est nous qui les avons fabriqués, façonnés. Ils ne peuvent être autrement. La question qu’il faut réellement se poser doit être simple ? Quelle éducation nous ont léguée nos parents ? Est-elle bonne ? L’avons –nous transmise dans les règles de l’art ? Si nous nous plaignons de l’éducation de nos enfants, nous sommes-nous demandés si la transmission a été bien faite ? Un de mes amis me dit qu’avec la taille des familles, les situations difficiles vécues par les responsables, << l’explosion >> de la technologie ne militent pas pour une éducation dite sérieuse. Tu le sais, peut-être, c’est après la récréation du matin (de11H à 11H 30), en général que les mathématiques sont enseignées. Visite les écoles à 11H 45mn ou même à midi, c’est-à-dire quinze à trente minutes après la fin de la pause, les cours de récréation sont toujours pleines d’enfants et sous le grand arbre, les enseignants (en majorité) continuent sans soucis leurs causeries. Une fois en classe, les démarches des leçons ne sont plus respectées (calcul mental, révision avant d’entamer la leçon du jour et terminer par l’évaluation). Justement, dans cette dernière partie, gare au petit imprudent perturbateur qui n’aura pas compris !Les gifles, les coups de pieds, de poings, de gueules pleuvront sur lui sans arrêt . L’enseignant, en aucun moment ne se remettra en cause. Tout est la faute de l’enfant ! Du pauvre parent ! De l’Etat ! De………..Jamais, la faute de l’enseignant ! L’heure des mathématiques ainsi << sabotée >>, comment peut-on compter avoir des SCIENTIFIQUES ? A beau augmenter les horaires des mathématiques, physiques et chimie et abandonner l’étude de certaines langues comme l’Allemand et le Russe, cela ne changera pas grand-chose. Les ressources humaines doivent être mieux préparées sur le plan moral et civique.
- Tu attaques mes parents enseignants là ! Qu’est-ce qui se passe ? N’est-ce pas toute la société qui est responsable (la famille, l’Etat……) ?
- Je suis d’accord avec toi. Il y a quand même une graduation dans cette responsabilité ! Le parent, l’enseignant, l’adulte dans la rue, l’état ne peuvent subir la même sanction. Assumons chacun en ce qui le concerne sa part de responsabilité et notre monde sera meilleur !
- Assez parlé d’éducation, jetons un coup d’œil maintenant sur nos pauvres sites (Tour Jauris, Pavillon René Caillé et Fort Faidherbe) qui ont sérieusement besoin du regard bienveillant du ministère en charge de la Culture; prions aussi que nos routes Wourossogui- Bakel et Tambacounda-Bakel totalement dégradées soient refaites le plus vite possible.
-Amen. >>
Idrissa Diarra, www.bakelinfo.com