Malgré la douceur du soir qui tempère les esprits et apaise les cœurs des plus turbulents en cette période de campagne électorale, Mocirédin ne se sent pas tranquille : il tremble en pensant aux moments dits de braise durant les périodes d’élection dans un passé récent.
Il a déjà pris les devants. Au niveau de sa famille, il a réuni Diambéré Khoumba, son épouse, ses deux enfants Mma Tokhora, sa fille aînée et son garçon Taata, homonyme de son grand frère pour les prévenir du danger qu’ils encourent pendant ce mois.
<<-Bientôt, nous allons entrer en campagne électorale. Suivra l’élection Présidentielle du 24 Février. Il y aura ensuite (en espérant que ce sera la fin) la proclamation officielle des résultats du scrutin.
Je ne suis pas candidat ! Je ne suis qu’électeur, simple électeur. Mais je connais la valeur de mon vote, le poids de ma carte, le prix de ma « voix ». Diambéré Khoumba, comme moi, tu as une carte électorale qui te permettra, le 24 de ce mois, de faire ton choix entre cinq candidats, tous Sénégalais. Choisir un parmi ces prétendants, c’est rejeter les quatre autres, non pas pour les « jeter » dans une poubelle, au contraire pour chercher à avoir un œil curieux sur le rang qu’ils vont occuper afin de les soupeser pour peut-être un possible deuxième tour !
-Mocirédin, je sais, et tes enfants aussi le savent que tu ne peux pas être candidat. Tu ne seras jamais Président de la République du Sénégal. Que t’arrive-t-il donc pour t’inquiéter et nous regrouper pour nous parler d’élections ? Tes rêves fous ont-ils réveillé en toi ce virus démentiel ? Pourquoi associer à cette rencontre les enfants qui ne voteront pas ?
-Ma chère épouse, je ne suis pas fou. Je sais pourquoi je vous ai réunis. Toi, parce que tu es concernée par le scrutin. Durant la campagne électorale, je ne veux pas te voir traîner dans les meetings politiques. Le 24 Février 2019, avant 10 heures, accomplis ton devoir civique et retourne à la maison, t’occuper de ton ménage. Reste à l’écart et suis la proclamation des résultats. Qu’Idrissa ou Issa, Macky ou Madické ou Sonko, que l’un des cinq gagne cette élection ne doit pas te faire sortir dans la rue pour crier comme une échevelée ! Aucun de ces cinq ne te nourrit. C’est par la sueur de mon front que nous vivons. Gardons donc notre dignité.
-Et les enfants ? Pourquoi tu les déranges ? Tu n’as obtenu l’extrait de naissance de Mma Tokhora que l’année dernière lorsqu’elle devait se présenter à l’examen du Certificat de Fin d’Etudes Elémentaires (CFEE). Elle vient (sur les papiers) de boucler ses seize (16) ans. Elle n’a pas encore de pièce d’identification nationale. Quant à l’homonyme de ton grand frère, Taata, tu dois te dépêcher pour lui trouver aussi un extrait de naissance avant qu’il ne soit au Cours Moyen 2e année (CM2) où son directeur t’exigera cette pièce pour sa candidature à ce premier examen de sa jeune carrière ! Pourquoi eux ?
-Diambéré Khoumba, parfois, je pense que tu fais exprès pour m’énerver ! Ces enfants ne sont pas directement concernés par les élections, c’est vrai ! Mais tu sais bien qu’on les utilise pour remplir les « places » ou pour des sales besognes. Alors, autant prendre les devants et les sensibiliser, leur montrer ce qu’ils doivent faire après l’école.
-Tu as raison, Mocirédin. Nos enfants, comme tous les enfants du pays doivent être alertés par l’Ecole. L’ambiance de la campagne électorale ne doit pas les détourner de ce qu’on attend d’eux : qu’ils étudient pour que l’un d’entre eux soit, demain, le futur Président de notre SENEGAL ! >>
Idrissa Diarra
