
Mocirédin était-il subitement devenu plus citoyen que le premier du pays (le président de la République) ou s’était-il seulement métamorphosé entretemps en politicien ?
Son compagnon de tous les temps, son ami des bons mais aussi et surtout des mauvais jours ne comprenait plus. Ndirissa Sidi Koné le regardait et s’étonnait du changement de son ami Mocirédin.
En l’espace d’un mois, le << gadiaganké>> ne respirait que par et pour la politique, inspiré on ne sait par quel phénomène mystérieux ?
Ce Dimanche matin du 08 Mars 2016, s’il n’est pas parmi les premiers à remplir son devoir citoyen, il ne sera jamais le dernier. Il est parti. Il a voté. Il est sorti du bureau de vote, fier d’avoir accompli ce geste combien noble de citoyenneté.
Il ne cesse de montrer son doigt taché de rouge à qui veut le voir !
Mocirédin est quand même surpris ! Les centres de vote sont vides ! Et pourtant, il le sait, de l’argent, de l’argent, encore de l’argent et toujours de l’argent a été distribué dans les maisons, dans les rues, jusque dans les marchés et les mosquées pour corrompre les hésitants, les inciter à avoir une pensée pilleuse et non pieuse pour eux, les bons, les gentils, les meilleurs.
La journée s’écoule : 15 heures ...17 heures...18 heures ! C’est fini ! Les portes des bureaux de vote se ferment pour le dépouillement.
Des retardataires (hommes et femmes), en grand nombre, s’étonnent qu’on ne les ait pas pris en compte !
" Ce n’est pas normal, nous venons à peine de finir notre travail à la maison !
-Est- ce que ma famille va dîner si je ne cuisine pas ?
-Et moi, si je ne termine pas la commande de mon client, pourrais-je être payé ? Est-ce que c’est ce OUI ou ce NON, et même les deux, ensemble qui me nourrissent ?
-Nous sommes moins de cinquante mille (50 000), quarante neuf mille cent quatre vingt dix (49190) plus exactement dans tout le département, que représentons-nous sur l’échiquier national ? Moins d’un centième des électeurs du pays ! C’est quand les <<arachides sont cramées>> qu’on nous consulte.
-Le reste du temps, ils ne nous voient pas, ne nous écoutent pas, ne nous parlent même pas (ils nous fuient).
-C’est ça la réalité ! Que voulez-vous ?"
Mocirédin trépigne d’impatience ! Face à son bureau de vote, il attend ! Il veut se <<peser>>, connaître son poids, sa valeur par rapport aux autres qui n’ont pas eu les mêmes visées que lui. Il ne dira à personne, personne, même pas à son ami Ndirissa Sidi Koné s’il a choisi le OUI ou le NON ! C’est son choix et il est intime !
Ca y est ! La porte s’ouvre. Le président du bureau de vote affiche les résultats !
Ne sachant ni lire ni écrire, Mocirédin n’a pas le temps de demander! Des cris s’élèvent partout dans Saré Demba. Le Oui est majoritaire, massif, écrasant !
La place de l’indépendance grouille de monde. Les politiciens s’égosillent, sans haut-parleur, pour se faire entendre par cette foule débordante qui crie, chante et danse !
Mocirédin est encore là. Il regarde ! Les uns sont fiers d’avoir investi et réussi, les autres d’avoir prouvé par cette victoire mémorable que l’argent reçu est bien mérité !
"- Où sont les autres ?
- Les autres ?
- Oui les autres
- Les voilà "
Ils sont là aussi dans leur coin. Mocirédin est sùr d’une chose, même s’il se fait tard, que Diambéré, sa Khoumba, la dame de son cœur, la fille de Goundouma lui mettra de côté son dîner, le <<fouto ndo déré>>.
Ce qu’il ne comprend toujours pas, (sans être égoïste) c’est : quelle retombée ce Oui qui a gagné aura sur lui, le fils de Aïssé Moussa ? Sur son quartier ? Sa ville ? Son pays ?
Son ami Hal poular Ciré Bocar a l’habitude de dire : <<Ha yesso ko lawol !>>
Attendons ! Demain, il fera jour !
Idrissa DIARRA,bakelinfo.com