
Une fois n’est pas coutume, a-t-on l’habitude de dire ! Depuis ce matin, Mocirédin fredonne une chanson que le grand griot Bambo Sakho de Bakel aime claironner à chaque cérémonie pour montrer la bravoure de certaines personnes comparée à celle du roi des animaux, un chef incontesté, incontestable et respecté. Sa carrure, ses faits et gestes l’imposent.

Mmatokhora et son frère reviennent de l’école plus tôt que prévu, chantonnant comme leur père. Leur joie s’explique par l’absence de leurs maîtres allés à la banque retirer leur maigre salaire, << sale air >> qui ne permet plus de respirer correctement car les charges sociales sont devenues très lourdes. Ils chantent, les enfants, invitant leurs camarades à la grande place du village pour des jeux.
Diambéré Khoumba regarde avec malice son époux, triste malgré le chant gai qui s’échappe de sa voix tremblotante.
<< I Yé wara lé, diama yé sirana waralé………. Hé le lion, tout le monde le craint……Le lion n’est pas un herbivore, c’est un carnassier, un carnivore. Le lion dont je parle, ce lion, roi de la brousse et de la forêt ne chasse pas derrière les cases du village les chèvres et les moutons. Le lion dont je parle saisit sa proie après une course parfois folle, la déchiquète avant de la savourer, toute sa gueule couverte de sang ! >>
Mocirédin remue encore la tête comme à son habitude, surtout dans ses moments de langueur.
<<-Les équipes se sont croisées durant trois semaines, vingt et un jours (du 14 Janvier au 05 Février) d’intenses chasses animales : Eperviers contre Eléphants, Lions de l’Atlas contre les Léopards, Fennecs contre Aigles……..Griffes contre sabots, becs contre crocs ! Ce que je retiens du sport, comme du reste de la vie est très simple. C’est la victoire qui compte pour les hommes. Après un match, la question que l’on pose est : qui a gagné ? Jamais qui a mieux joué ? Des lions de la CAN, ceux de l’Atlas entraînés par le Français Renard (quelle coïncidence animale) sont sortis très tôt, suivis par d’autres lions de la Téranga de l’entraîneur Sénégalais Cissé (coq en bambara, ha ces animaux, même chez les coachs !)La Téranga, me rappelle mon ami wolof Thiaka Mbengue, c’est la belle et bonne manière d’accueillir, le respect un peu exagéré de l’hôte, c’est le fait de s’effacer humblement devant l’étranger, c’est……….Nos Lions n’ont donc pas tort de se comporter ainsi, partout, surtout dans des moments où tous les regards sont tournés vers et sur eux. N’est-ce pas le moment idéal, l’instant propice pour appliquer la règle de la Téranga, en se faisant piétiner par les autres ? N’est-ce pas là la Téranga ancrée dans les chromosomes des Sénégalais ? N’est-ce pas le temps T pour mettre en pratique les règles sagement enseignées par nos Aïeux ? Frappons les balafons, tapons nos tam-tams, chantons, rugissons aussi, mais de grâce ne rougissons pas, la couleur de notre peau ne nous le permet pas .Devenons désormais les Lions Terribles du Sénégal. Cela fera de nous des << GUERRIERS >>, des hommes craints, des bagarreurs jusqu’à l’ultime seconde, des << sans peur >>.
Les Lions Indomptables du Cameroun ont cette épithète << sauvage >> collée à leur peau, au plus profond d’eux-mêmes, dans leur âme et conscience, dans leur rêve devenu réalité à force d’y croire. Indomptables, ces frères de Roger Milla, de Joseph Antoine Bell, de Cyrille Makanaki……ont dompté l’Afrique, l’Afrique du Football, de la Jeunesse, des coups d’Etat, des guerres sans nom, des politiciens véreux. Ils se sont installés, au moins pour deux ans sur le toit de notre continent, en ajoutant une cinquième étoile à leur palmarès.
-<<Thièye >>, mon mari, quand je te vois dans un certain état, je te plains !
-J’ai envie d’avoir mes jambes de gamin Diambéré et le courage des Camerounais pour gagner ce trophée si prestigieux pour le Sénégal !
-Jambes de gamins ou cœur de lion, Mocirédin, les protégés d’Aliou Cissé sont à féliciter ! Comme de véritables lions, ils se battus jusqu’au bout. La chance n’a pas voulu nous suivre durant tout notre parcours. Ils se sont honorablement comportés. Ils méritent le respect de tout le peuple.
-Tu me surprends parfois, mère de mes enfants, ma désirable Khoumba. Mais, en aucun moment ma pensée n’a douté de la valeur de nos Lions. Je les encourage et je soutiens le Coach Aliou Cissé. Qu’il sache que tous les quatorze millions de Sénégalais reconnaissent son patriotisme, son engagement pour son pays. Il a prouvé en même temps que les Joseph Koto, Abdoulaye Sarr, Alassane Dia, Amara Traoré……que point n’est besoin d’aller importer et nous imposer ce qu’on trouve déjà en qualité et en quantité chez nous. Il faut maintenant plus de solidarité de la part de nos entraîneurs. D’autres échéances nous attendent : tout près de nous, la qualification pour la future coupe du monde : Russie 2018!
- Mocirédin, n’as-tu pas vu les enfants ? Tu ne réagis même pas à leur présence à la maison, un jour de classe, à cette heure de la journée ?
-Quelle réaction veux-tu que j’ai pour l’éducation de mon pays ? J’ai trop parlé ! Diambéré, laisse-moi respirer un peu.>>
En silence, Mocirédin s’éloigne de chez lui, les yeux scrutant le ciel, implorant DIEU de rafraîchir le temps afin que les cœurs s’apaisent.
Idrissa Diarra, www.bakelinfo.com