
A pas lents, comme pour s’empêcher d’arriver tôt chez lui ou de faire aboyer les chiens du quartier, Mocirédin marche en égrenant son chapelet.
Les coqs du village ont encore commencé leur cocorico et le grand peintre son art de blanchir le ciel.
Mocirédin s’intéresse de plus en plus à sa religion, sans chercher à être un maître coranique, un marabout encore moins un charlatan.
<<Alhamdoulilahi !>> ne cesse-t-il de répéter en s’asseyant lourdement sur la natte où est couchée sa Diambéré, la Khoumba de son cœur, la mère de ses enfants, quand la voix d’un animateur de radio attire son attention.
L’homme parle des enfants, de la journée de l’enfant.
Tout étonné, Mocirédin se redresse. Une année comprend 365 jours. Chaque jour est dédié à : l’homme, à la femme, à l’enfant, à l’environnement, à la santé, à l’éducation, à patati, à patata…
Déjà, tous les jours sont fêtés et presque tous fériés ! Ce que l’ami de Demba Mangassy n’arrive pas à comprendre, c’est quand, de partout et à n’importe quel moment on parle de travail de l’enfant !
Il ne comprend vraiment plus ce monde !
Son grand-père, à l’époque, comparait un enfant à une plante. Une plante comme un enfant est fragile. Il faut donc de l’amour mais un encadrement pour les faire grandir (la plante et l’enfant). Quand une graine est semée, elle va germer. Il faut la suivre pour la protéger contre les<< animaux >> et les << bêtes sauvages>> afin qu’elle grandisse jusqu’à maturité, affectueusement. Elle pliera mais pour qu’elle ne rompe pas il faut de la surveillance, de l’éducation. Sinon à un certain moment elle ne pourra plus changer de forme. En insistant dans sa transformation, elle se cassera et ce sera sa mort. Comparaison n’est pas raison ! L’enfant, notre progéniture vit dans une société comprenant la famille (cellule de base), l’école que l’homme a créée et la rue (la grande école).
Au sein de la famille, première école, l’enfant reçoit ses premières leçons : il apprend à parler, à compter…
Tout petit déjà, il fréquente en même temps ces trois écoles.
Papa, maman, frères et sœurs inculquent les us et coutumes, la tradition, les vertus de base .Son entrée à l’école (française, arabe ou coranique) n’arrête pas l’influence de la famille.
L’éducation de la rue, elle, est partout puisque dans la maison avec les visites souvent intempestives des cousins, oncles ou tantes, des voisins, la cour de récréation, les terrains de jeux…
Mocirédin se dit :
<< - de trois ans (école maternelle) à seize ans à sa sortie du collège jusqu’au dernier cycle avant l’enseignement supérieur mon enfant doit étudier. Dans ces différents établissements, il apprendra presque tout. Comment peut-on donc parler de travail des enfants en m’indexant si j’apprends à mon enfant comment pêcher, cultiver, vivre avec lui ma vie de forgeron, de menuisier, de casseur de pierres, de maçon ..Quand est-ce qu’il aura des notions de ce que je fais, de ce que j’ai hérité de mon père s’il ne met pas la main à la pâte ?Notre école étant devenue ce qu’elle est avec son lot invraisemblable de grèves ou de fêtes religieuses, avec son incapacité de fournir justement du travail à ses apprenants, comment voulez-vous que je ne fasse pas travailler mon enfant, mon << espoir >> pour assurer la relève , ma relève ? Je ne vais pas le tuer mais il va suer, transpirer pour comprendre que seul l’effort, le travail fourni paye ! Qui aime bien châtie bien !>>
Mocirédin se relève, réveille tous les enfants de la maison, cherche râteaux et balais et conduit toute la famille pour nettoyer le cimetière : enlever les herbes, ramasser les branches sèches des épineux tombées puis les brûler derrière le mur. N’est-ce pas faire œuvre utile ?
Idrissa Diarra, www.bakelinfo.com