
Aujourd’hui, c’est Mocirédin qui a réveillé les coqs du village : depuis plus d’une heure qu’il est debout, Bakel Saré Demba nage toujours dans l’obscurité la plus profonde. Les lueurs du jour ont honte de chasser les ombres de la nuit.
Sa femme Diambéré , d’ordinaire matinale, ronfle dans son lit. Aucun bruit ne perturbe son sommeil. Hommes et femmes profitent de ces derniers instants nocturnes.
La voix du muezzin, là-bas à Gouraye, de l’autre côté du fleuve Sénégal, déchire l’air et convie les fidèles à la première prière du jour : << ALLAHOU AKBAR ! ALLAHOU AKBAR !>>
Un à un, les coqs lancent maintenant leur cocorico matinal. Les pleurs de bébés, des couvercles qui crissent sur les bords des canaris, des braiments d’ânes, tout cela montre que le roi jour, à son tour, apparaîtra bientôt.
Mocirédin entre dans les toilettes et se purifie. Il fait ses ablutions et se dirige vers la petite mosquée de son quartier Montagne Centrale.
Entretemps, Diambéré Khoumba s’est levée, s’affairant déjà à ses différentes et harassantes tâches ménagères. L’animation envahit petit à petit la ville. Les derniers dormeurs s’étirent, baillent puis se préparent aux occupations du jour nouveau.
Mmatokhora (l’homonyme de la mère de Mocirédin) revient du marché.
<<- Mma (mère), j’ai fait toutes les boutiques du quartier (en réalité, une seule est ouverte) ; j’ai été jusqu’en ville, deux boutiques tenues par des maures sont envahies par un monde fou ! Qu’est-ce qui se passe, Mma ? Je n’arrive pas à trouver du pain dans la ville !
-Tes parents Soninkés ne veulent pas investir à Bakel. Tout le commerce est entre les mains des << étrangers>>. Il est normal qu’à l’occasion d’un événement aussi grandiose que le MAGAL de TOUBA, les Mourides se déplacent pour cette ville sainte !
-Tu as raison, Diambéré, depuis quelques jours, Bakel ressemble à une ville morte. Les grandes boutiques, en majorité, sont fermées pour cause de MAGAL. Et pour trouver du pain, du riz, de la viande et même du matériel de construction, dans les quincailleries, tu n’en trouveras nulle part !Bakel, contre sa volonté, est devenue ville morte. Le Bakélois Lambda qui n’a aucun moyen pour faire des prévisions de provisions souffre atrocement ces jours de MAGAL.
-Je comprends donc pourquoi, en période de MAGAL, beaucoup de personnes font le pèlerinage dans la ville sainte de TOUBA. Pour beaucoup d’entre eux, ils profitent de cette période religieuse pour s’éloigner du train-train quotidien, oublier les affres de la faim (c’est le festin), découvrir d’autres horizons et même pour certains, avoir de l’argent (comment ?).
-De toutes les manières, les Soninkés (d’une manière générale, les Bakélois) doivent prendre en compte cette leçon de vie et s’investir pour leur contrée afin que des situations similaires ne se reproduisent plus. Le transport aussi bat de l’aile : les trois principales sociétés ( Waraba, Niokolo et Al Azhar) sont à TOUBA, bloquant par la même occasion les potentiels voyageurs sur place.
-Mon mari, ce que nous pouvons faire, à notre niveau, c’est prier, prier encore, toujours prier afin que le BON DIEU, dans SA grande Bonté nous vienne en aide.
-Je retourne à la mosquée, Khoumba. Et que LE TOUT PUISSANT nous protège, qu’IL entende nos prières et les exauce. Amen ! >>
Idrissa Diarra