
Il a vraiment raison de trembler, le pauvre Mocirédin ! Quand verra-t-il le bout de ce long tunnel qu’il emprunte depuis bientôt trois mois sans apercevoir la moindre lumière. Les signaux sont au rouge comme ses yeux qui ressemblent à du piment pilé, à force de les frotter.
Chaque jour qui passe, passe lentement comme un fer chaud sur un grand boubou qu’on repasse. La repasseuse prend tout son temps pour donner une belle forme à l’habit, mais très souvent, à l’image de sa Diambéré Khoumba qui ne maîtrise pas cet art, des dégâts sont vite constatés.
Les jours passent. Ils passent et repassent comme des frères jumeaux, tellement la ressemblance est nette ! Tous difficiles. Tous sans aucun espoir. Tous pleins d’amertume. Tous regrettables.
Vers qui faut-il s’orienter ? Les lieux de culte sont fermés. Mosquées et églises ne reçoivent plus comme autrefois les fidèles qui venaient confier à DIEU, leur ESPOIR, le Tout Puissant, leurs prières pour qu’IL les exauce et les sorte de cet enfer sur terre.
Le parent ? Même s’il est nanti, il ne fera jamais découvrir son « bien » à cette période de vaches maigres !
Ne dit-on pas :<< Si tu aides neuf malheureux, tu risques d’en être le dixième !>>
Le politicien ? C’est plutôt le bon moment pour lui de s’enrichir !
Ne dit-on pas encore que le malheur des uns fait le bonheur des autres ?
Les pauvres ? C’est la période des vaches grasses. Après le baptême fait par leurs malheureux parents et le beau nom donné à l’occasion, ils se retrouvent dans cette période de COVID-19 avec de nouvelles appellations, de nouveaux noms plus poétiques : personnes vulnérables, démunies, sans ressources, misérables, nécessiteux, sans emploi…
Le riche ? N’a-t-il jamais eu un regard amical vers ce pauvre hère qui lui tend la main, tous les matins du bon DIEU, à la recherche de sa pitance journalière ? Ne voit-il en cet homme, ce gueux miraculeusement placé devant lui, qu’un dépotoir d’aumône, cet argent que lui impose son marabout, quelques billets et pièces de francs CFA à sortir, à éloigner de ce qu’il possède (bien ou mal acquis), chaque vendredi pour fructifier ses biens ?
Mocirédin essaie de respecter à la lettre les instructions des autorités sanitaires, administratives et territoriales. Autant que possible, il évite de quitter son domicile. Il a même installé aussi à l’entrée de chez lui un système de lave-mains pour tous ceux qui entrent ou sortent.
Diambéré Khoumba, son épouse, va et vient dans la maison, sans masque. D’ailleurs, ce matin, elle était étonnée de trouver un monde « fou », dans le sens propre du terme, au marché, sans masque de protection, sans possibilité de se frayer un passage, tellement, il y avait trop de clients venus faire leurs emplettes. Pourtant l’utilisation du masque était rendue obligatoire à partir du lundi 20 avril 2020 sous peine d’un mois de prison et d’une amende de 20 000francs.
Le Sénégalais (le Bakélois en particulier) se moque de ces instructions ! Tant que des gens ne sont pas sanctionnés, les délits ne vont pas diminuer, à plus forte raison disparaître.
Les mercredis et les dimanches, la capitale du Gadiaga est une ville morte. Sur arrêté du Gouverneur de la région de Tambacounda, monsieur Mamadou Oumar Baldé, les marchés et les principaux axes des quatre départements : Bakel, Goudiry, Koumpentoum et Tambacounda sont fermés.
Les cinq autres jours de la semaine, sont comme des jours de foires. A n‘y rien comprendre ! Mocirédin n’est plus inquiet. Il a peur. Très peur. Terriblement peur du comportement inconscient de ses compatriotes : non-respect de la distance sociale, pas de port de masques de protection, sans compter les mesures simples d’hygiène à appliquer comme l’utilisation des lave-mains, tousser dans le pli du coude…
A ce rythme étourdissant où le nombre de déclarés positifs augmente, Mocirédin s’interroge sur ce qui doit être dit aux Bakélois pour ne pas entrer dans la « danse » des cas positifs ?
Même s’il est vrai que le confinement paraît difficile, sinon impossible pour des Gorgorlous, des hommes et des femmes qui se couchent tard en pensant à la dépense du lendemain, des gens qui vivent au-jour-le-jour, qui n’hésitent pas à affronter dans la rue les chargés de la sécurité que de mourir affamés enfermés chez eux.
C’est un peu l’image de ces jeunes garçons et filles qui défient tous les dangers possibles (traverser les déserts et les mers, Barça ou Barsakh) pour joindre l’Europe.
Mais, se dit Mocirédin, n’atteignons quand même pas un certain nombre de cas positifs : nos centres de traitements risquent de se remplir, ne permettant pas aux agents de santé de combattre à « armes égales et légales » cette pandémie, qu’est le CORONAVIRUS.
La porosité de nos frontières ne facilite pas la tâche aux gendarmes et aux policiers. La présence massive des enfants hors des classes, dans les rues, aggrave la situation.
Mocirédin respire fort et finit par se dire, face à sa dame Diambéré Khoumba :
<<-Je suis musulman. Je crois en DIEU. C’est à LUI que nous confierons, comme nous l’avons toujours fait, nos craintes, nos peurs, nos angoisses. Il nous secourra comme à son habitude cette fois-ci aussi, en boutant hors de la planète-terre cet effroyable CORONAVIRUS.
-Ce qui est déplorable, mon mari, ajoute l’épouse, c’est l’inconscience des hommes ! Ils ne « croient » qu’au moment où ils sont assaillis par des problèmes. Une fois la solution trouvée, ils effacent de leur mémoire ce qui les effrayait tout à l’heure.
-Espérons, Diambéré Khoumba, que cette fois-ci, ils changeront. Ils croiront davantage en DIEU.
-L’unique solution de notre monde, c’est DIEU ! LUI SEUL !>>
Idrissa Diarra, bakelinfo.com