
Dès le lundi 12 avril 2021, au soir, sans chercher l’astre de la nuit, Mocirédin avait pris sa décision : son premier jour de jeûne sera le mardi 13 avril 2021. Bien que du matin au soir, du lever du soleil à son coucher, le thermomètre n’ait jamais affiché moins de 40°, le mari de Diambéré Khoumba n’a jamais eu peur de s’abstenir de manger et de boire durant toute une journée.
Ce mois sacré est riche en bénédictions de toutes sortes pour ceux qui les auraient cherchées, en jeûnant, en faisant de l’aumône, en suivant les prescriptions du Saint Coran.
Mocirédin ne voudrait, en aucun cas, rater ces bienfaits du Ramadan. En allant comme en revenant de la mosquée de son quartier Montagne Centrale près de la maison des Cissokho, derrière tout juste celle du vieux Mamadou Bougary, il chante des louanges à ALLAH, le Créateur, l’Omnipotent, l’Omniscient, l’Omniprésent. Des larmes coulent de temps à autre sur ses joues amaigries, creuses, collées à ses mâchoires qui commencent à perdre quelques dents.
Il est midi ! Les rues sont désertes. Cependant, des collégiens et des lycéens, transpirant sous le chaud soleil, se hâtent, s’empressant de rejoindre leur domicile pour se mettre définitivement à l’ombre avant la rupture du jeun à 19 heures 15 minutes.
Diambéré Khoumba revient sans se presser, comme à son habitude, du marché. Avec le Ramadan, l’on ne prévoit pas de déjeuner car les enfants du couple Mma Tokhora et Taata, ayant plus de dix ans, sont dès maintenant initiés à la pratique de leur religion.
A l’ombre de l’unique arbre de la maison, elle s’assoit rapidement ; fatiguée et suant à grosses gouttes, elle prend un éventail qui traînait là et se donne de vigoureux coups de vent sur le visage. Elle dénoue ensuite son mouchoir de tête et s’essuie de la tête au tronc, perdant du temps sur la figure qui semble plus fatiguée que les autres parties du corps.
<<-Mon mari, dit-elle en s’adressant à Mocirédin, tu ne peux pas rester à tout moment à la maison. Parfois, tu dois aller voir les champs. C’est la période de la récolte des patates. Moi j’en profiterai pour vendre une partie, donner une autre
aux voisins puis garder le reste pour les repas de la maison. Passe aussi rendre visite à tes amis Kader Tandia et Souleymane Khanta et à quelques membres de ta famille : Adama Séméga à Yaguiné, Moulaye Konaté à Ndiayega, sans compter la sœur de ton ami Ndirissa Sidy. Tu peux même t’efforcer pour allonger le pas jusqu’à Kidira voir ton ami Yéro Sylla. Il paraît que ces visites sont bénéfiques pour celui qui les fait.
-Je le sais bien autant que toi, Diambéré Khoumba mais je n’ai plus d’énergie pour me déplacer surtout sous les rayons ardents de notre soleil d’avril ! Laisse-moi conserver le peu de force que j’ai. Epargne-moi ces sorties lucratives, à n’en pas douter, mais que mon organisme ne peut plus supporter.
-La denrée qui circule actuellement, le mieux, sans conteste, c’est le sucre ! Les sachets de cinq kilogrammes marchent comme de petits pains. La proximité avec la Mauritanie a facilité ce commerce. Je profiterai des dons que nous avons reçus de parents et d’amis pour répéter aussi ce geste combien noble envers des démunis qui ne manquent pas dans le quartier.
-Les rues deviennent désertes à partir de midi. Les rares personnes qui vaquent encore à des besoins extrêmes se couvrent avec des chapeaux de paille ou trempent un turban à la manière des Maures dans l’eau et se protègent la tête. Je préfère pour le moment rester sur place jusqu’à ce que mon organisme s’habitue à l’abstinence. En attendant, s’il te plaît, aie pitié de moi ! Je ne me couche pas par plaisir ou par paresse, je le fais par nécessité. A un certain âge, c’est une précaution importante, ajoute Mocirédin.
-Bientôt, nous atteindrons dix jours de jeûne ! Ton organisme…
-Que cherches-tu en fin de compte, Diambéré ?
-Que malgré le jeûne, tu fournisses des efforts pour la nourriture de la famille ! Un mois sans rien faire, rester coucher du matin au soir, sans être malade, n’est pas une bonne leçon à donner aux enfants. Nous devons leur enseigner le culte du travail, de l’effort…
Mocirédin se lève énervé et sort de la maison. Une heure plus tard, il revient, se « change », en portant la tenue qu’il a l’habitude de mettre pour aller aux champs.
-Il fait très chaud en ce moment, dit l’épouse inquiète. Ne peux-tu pas attendre demain, de bonne heure, après la prière de l’aube ?
-Non, je préfère m’y rendre tout de suite. Ce n’est pas pour travailler mais pour voir la situation des champs et connaître ce qu’il faut y faire demain. Tu as raison de m’inciter au travail ! La paresse n’a jamais rien résolu !
-Tu redeviens le mari que j’ai toujours connu…
-Arrête maintenant. A partir du moment où je t’ai donné raison, n’augmente plus rien ! A tout à l’heure. >>
Ramadan ne signifie pas paresse ! Au contraire…
Idrissa Diarra bakelinfo.com