
Depuis quelques temps, les « nuits » de Mocirédin ne dorment plus. Comme elles, « sa » lune et « ses » étoiles restent aussi éveillées. Du coup, « ses » jours s’allongent et prennent une longueur si démesurée que le pauvre homme ne sait plus quoi faire.
Quand ses enfants, Mma Tokhora et Taata vont et reviennent aussitôt de l’école pour cause de grève des enseignants, parce que l’Etat n’a pas respecté ses engagements, quand sa Diambéré Khoumba part, rayonnante, au marché et revient avec une calebasse vide car incapable d’acheter le moindre aliment puisque les prix ont dernièrement flambé, quand les maisons se vident pour ne recevoir leur population qu’après la dernière prière de la journée, quand lui-même sort de chez lui pour emprunter les rues jadis pierreuses de son quartier <<Guidinkhama>>, il ressemble plus à un aliéné qu’à une personne bien portante.
L’ancien Directeur de l’ex-école Régionale, actuelle IMDB, feu Diaman Bathily lui disait un jour, au cours de leurs innombrables rencontres, que les hommes sont devenus difficiles à comprendre, inventant chaque jour des idées, des choses pour remplir l’espace, le temps !
Mocirédin découvre avec effarement que le temps est devenu ELASTIQUE, dans le monde actuel ! Un an ? Au temps de sa tendre jeunesse, cela durait douze mois ou cinquante-deux semaines, c’est-à-dire trois cent soixante-cinq jours ! Actuellement, nos contemporains ont créé tellement de journées mondiales qu’elles dépassent de loin celles établies depuis l’an 1 : les 365 jours.
C’est ainsi qu’à travers les années, les journées s’empilent :
Journée mondiale de l’Enfant, journée mondiale de l’Homme, journée mondiale de la Femme, journée mondiale du Travail, Journée mondiale de la Lèpre, Journée mondiale de l’Enseignant, Journée mondiale de la Musique, Journée mondiale des Toilettes ………………………………………………
A ce rythme, des journées de l’année 2021 ont déjà été chevauchées. N’est-ce pas, en fin de compte, banaliser certains choix en faisant comprendre aux mouches, aux chauves-souris, aux voleurs, aux tricheurs, aux violeurs…qu’ils sont autant importants que la Femme rurale ou la Santé des populations ?
Ces « Journées », et surtout le folklore et les dépenses incroyables qui les accompagnent peuvent avoir une autre orientation moins onéreuse et plus bénéfique pour les populations qui ne sortent lors de ces « fêtes » qu’à cause du tee-shirt, du tissu ou du petit billet soigneusement plié remis à l’occasion, sans aucun engagement de leur part.
Les organisateurs se sucrent sur le dos du pauvre contribuable ; les thèmes méticuleusement triés parmi des centaines sont dilués dans des chants et des danses. A la fin de la journée, même les plus proches de l’organisation ne retiennent de l’événement que son côté festif. Les populations, principales concernées par ces cérémonies repartent comme elles étaient venues, sans aucun signe qui prouve que le sens de la « Journée » est bien compris.
Il faut changer le fusil d’épaule et à tous les niveaux, installer la sobriété. Les Partis politiques, les Syndicats, le nombre de ministres dans un Gouvernement, le nombre d’Institutions, les membres du Parlement, les Journées à fêter, même si elles sont internationales doivent être revus puis sérieusement étudiés pour permettre à notre pays d’avoir du temps à consacrer au travail et à orienter ses dépenses vers des actions rentables pour les populations !
Idrissa Diarra