
Tout ce qui est attendu, un jour où l’autre se retrouvera dans la corbeille du passé ! L’homme est impatient de nature. Toujours pressé, il voudrait voir tout ce qu’il entreprend se réaliser sur le champ. Mais, chaque chose ne se passera qu’en son temps !
Les pluies enjolivent l’environnement, l’embellissent en lui faisant porter une belle robe verte sans rayures. Les paysans, les pasteurs et les pêcheurs « les 3 P » du monde rural ont le sourire aux lèvres. La saison, pour le moment, leur est favorable : assez d’eau pour faire pousser les semences, nourrir les bêtes, permettre aux poissons de se reproduire.
Cette exultation de l’homme devant l’exubérance de la nature est dans l’ordre des choses : il ne peut pas cacher ses sentiments ; il exprime ses joies et ses malheurs sans aucune frontière entre les deux.
Il n’y a guère longtemps, à partir du 14 mars 2020, les cours avaient été suspendus dans toutes les écoles du pays. Cela ne pouvait pas être définitif, pour toujours. Dans un avenir proche ou lointain, l’on savait que les portes des écoles allaient encore s’ouvrir pour que nos enfants étudient.
Après la Korité, la Tabaski viendra. Aussi loin que soit la date, on parlera aussi de cette fête au passé.
L’importance du passé est indéniable : c’est le socle sur lequel repose la vie, c’est le fondement de l’existence de l’homme, c’est lui qui le conduit à pas lents vers le présent en forgeant son caractère. A ce stade de sa vie, le futur lui ouvre ses larges fenêtres, début des rêves réalisables ou impossibles.
Les trois jours du monde, hier, aujourd’hui et demain se suivent puis se passent régulièrement le flambeau. Ils respectent strictement leur place et honorent leur rang. Chacun son tour chez le coiffeur !
La famille de Mocirédin est sereine ; elle sait que la Tabaski tant attendue est oubliée, elle fait désormais partie des meubles du passé ! DIEU, à travers un anonyme, a réglé le gros de leur problème : le mouton de Tabaski. Les enfants ont compris à leur tour, malgré leur jeune âge, la situation que le monde entier traverse à cause de la pandémie de la COVID-19. Ils ont alors accepté de porter les vêtements achetés lors de la Korité puis soigneusement repassés et gardés au fond de la malle après cet événement. A leur âge, ils ont appris et saisi le lien indéfectible qui a toujours existé entre HIER et le PRESENT.
Mocirédin s’apprête à sortir. Il cherche son masque de protection, ne sachant plus où il l’avait mis. Mma Tokhora, sa fille aînée vient à son secours en lui remettant, en riant, ce que son père cherchait, un peu énervé.
<<-Tu l’avais laissé sur le lit, dit la fille.
-Merci, mon enfant ; tu es très précieuse dans cette maison. Sans toi, j’allais perdre beaucoup de temps ou même renoncer à sortir, si je ne retrouvais pas ce fameux masque.
-Où vas-tu, Mocirédin, demande Diambéré Khoumba, élégamment habillée, à son mari ?
-Après la fête, à part la mosquée du quartier « Montagne Centrale » que je fréquente pour les prières, je n’étais allé nulle part. Aujourd’hui, j’ai décidé de rendre visite à Ndiaye Sour mon grand frère, à mon ami Kader, au Commandant du Camp Militaire Sada Ciré Timéra, le Commandant Diallo, à Mamadou Bakary Traoré, Délégué de mon quartier, à Thiéblé, Caporal Thiam, Boulaye Moumé, Samba Bocar Kâ, Ablaye Fassé et Sadio Woutorou, mes compagnons d’infortune, en l’absence de mon ami Ndirissa Sidy maintenant aux Etats Unis. Les souhaits faits lors des événements de ce genre raffermissent les liens de parenté, d’amitié ; ils solidifient les rapports entre les voisins. Les prières s’adressent à DIEU afin qu’IL les exauce. Qui, autant que LUI, a le pouvoir d’épandre sur les hommes, sa bonté ? Je reviendrai bien avant le déjeuner car vers 17 heures je veux aller voir la situation de mon champ. A partir de là, je prendrai une décision pour le travail de demain.
-Va et reviens vite, mon mari ! Le ciel, à mon humble avis, se prépare à nous arroser d’une pluie chargée de bienfaisance et de bienveillance, qui fera encore la joie des ruraux. Tu parlais tout à l’heure de demain ! Demain ? Où et comment serons-nous demain ? Mystère ! Nul ne sait ce que nous réserve cet inconnu.
-Heureusement pour nous, répond Mocirédin. Ignorer le futur nous protège contre les incertitudes. Ne pas connaître ce qui va advenir, ce qui peut nous arriver demain, nous permet de vivre sereinement. Cette ombre sur le futur qui obscurcit notre vision est en réalité une lumière qui éclaire nos cœurs et nos esprits et nous oriente vers le bienfait ; c’est une sorte d’épée de Damoclès qui plane au-dessus de la tête des vivants pour les apeurer, les effrayer afin qu’ils soient plus humains par rapport à leurs prochains.>>
La vieille ville, la capitale du Gadiaga, Bakel, garde son aspect de fête : les hommes et surtout les femmes sont bien habillés, ne voulant pas « quitter » cette atmosphère festive dans laquelle ils sont plongés depuis le vendredi 31 juillet 2020. Mais la vie a ses exigences ; il faut descendre sur la terre ferme et affronter les réalités.
Mocirédin marche lentement dans les rues de Saré Demba. A chaque pas, il remercie le bon DIEU. A son âge, il ne se plaint pas : il est sain, sa famille aussi. Il vient de passer une bonne fête de Tabaski avec les siens. Que lui manque-t-il ?
Idrissa Diarra, bakelinfo.com