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Harouna_Bathily

S’il se sent chez lui à Saint-Denis, ce Sénégalais d’origine n’a pas oublié Tuabou, où il est né, pour lequel son association a permis de construire un collège.

8 000 km. C’est le grand écart sur lequel Harouna Bathily équilibre sa vie de Sénégalais de Saint-Denis. Ou de Dionysien du Sénégal. En tout cas, voilà bientôt vingt-trois ans qu’il s’y tient, bien campé sur ses racines, à la fois celles qu’il choie là-bas dans la région Bakel, et les attaches qu’il a su faire fructifier ici. Il anime depuis 2001 Tuabou Jikke, association d’aide au village familial au nord-est du Sénégal. Harouna a de qui tenir. 

Il est âgé d’une quinzaine d’années quand son père le décrète assez mûr pour quitter le giron maternel et le rejoindre à Saint-Denis. « Lui était là depuis 1963. Il vivait au foyer Pinel. Il en a été le premier délégué en 1964. Métro-boulot-dodo, ce n’était pas sa mentalité. » Ce ne sera pas non plus celle d’Harouna, qui partage bientôt ses affinités politiques. 

 

À 17 ans, il adhère au MJC, Mouvement des jeunes communistes. « Mon père m’avait dit : les communistes, j’ai fait un combat avec eux, si tu veux les rejoindre, c’est bien. » Harouna apprend alors qu’en 1965, lors d’un conflit très dur opposant les résidents de Pinel et leur bailleur, Bathily père était embarqué par la police, puis libéré « grâce au PCF et à la CGT ». Après Tuabou « mon village de naissance, ma deuxième ville, c’est Saint-Denis, elle m’a adoptée. Je la kiffe dans tous les sens », s’enthousiasme-t-il. 

Mais les débuts lui laissent des souvenirs mitigés. Le jeune Harouna est scolarisé pendant trois mois au collège Garcia-Lorca, puis orienté vers le lycée professionnel Jules-Marey (rebaptisé depuis Bartholdi) en section d’électrotechnique. Il est hébergé au foyer Pinel avec son père et un grand frère arrivé avant lui. « C’était dur. Je n’y étais que pour dormir. J’avais honte de le dire à mes camarades de classe. J’allais tous les soirs à la bibliothèque. »

« Les enfants ici, tu ne peux pas les éduquer comme tu veux »

 Il intègre ensuite un lycée à Saint-Ouen. Pour faire vivre la famille au pays, « ils n’étaient que deux, mon père et mon grand frère. Alors j’ai arrêté l’école en 1997 ». L’année suivante, le jeune Français d’adoption est appelé sous les drapeaux. « On a été le dernier contingent. J’ai fait mon service dans la marine à Cherbourg. » Harouna vit sa première véritable immersion dans la société française, sur un même pied d’égalité avec des jeunes venus de tout le territoire. C’est une expérience que « je n’ai pas regrettée ». Il se dit d’ailleurs favorable à un rétablissement du service national où les jeunes pourraient « apprendre la discipline » et un métier. 

À son retour, il est embauché à l’OPHLM de Saint-Denis, où travaille aussi son père. Et part se marier au Sénégal. « J’y suis resté un mois et demi. » Il en revient en laissant là-bas sa jeune épouse, aujourd’hui mère de quatre enfants qu’il préfère savoir là-bas. Parmi ceux « qui ont fait venir leur femme, il y en a pas mal qui l’ont regretté. Parce que les enfants ici, tu ne peux pas les éduquer comme tu veux », estime-t-il.

Aujourd’hui éboueur à la Ville de Paris, Harouna retourne tous les 18 mois à Tuabou. Grâce aux fonds et aux matériels réunis par son association, un collège de six classes va être bientôt inauguré là-bas. Il comptait déjà 310 inscrits l’an dernier. Son coût, 80 000 euros pour trois ans de travaux. « Au village, tout le monde a casqué. Je ne m’y attendais pas. L’éducation, c’est la base du développement. » Quand il est de retour, c’est semble-t-il sans état d’âme. « La société française, dit-il, c’est pour tout le monde. On doit savoir vivre ensemble. »

Marylène Lenfant,

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