
Habib DIOP, est né à Touba en 1950. Issu d’une grande famille Diop de Koki, il fit ses humanités à Touba auprès de son père. Diop père avait à charge un «daara » (sorte d’école coranique) où il donnait des enseignements à de nombreux enfants de la ville. Apres avoir maitrisé à trois reprises le Coran, il fit part de sa volonté de se lancer dans le commerce. Il reçut l’aval et la bénédiction de son père. C’est au crépuscule de ses 18 ans qu’Habib DIOP fit ses premiers pas dans le commerce. Il fut gérant d’un petit commerce d’alimentation Générale tour à tour à Touba, Mbacké et Kaolack. Il fait partie également des premier commerçants Wolofs qui se sont durablement installés à Bakel.
Sa venue à Bakel est le fruit du hasard. En effet, sa rencontre avec un richissime et célèbre commerçant nommé Falou N’diaye à la fin des années 70 fut décisif. Il faut noter que Monsieur Falou N’diaye avait déjà véçu à Bakel par le passé. Ce dernier orienta Habib DIOP vers les rives du fleuve Sénégal et lui demande d’abandonner son idée première qui était la migration vers la Guinée Bissau. Celui qui est devenu un richissime commerçant à Bakel avait d’abord la volonté d’aller s’installer en Guinée Bissau en tant qu’émigré avant que M. N’diaye lui montre la niche du commerce de sel et d’arachide à Bakel. Ces deux produits étaient très prisés à Bakel. Habib, pendant sa pérégrination vers Bakel, il acheta quelques sacs d’arachide et du sel pour les revendre sur place. Ce fût le début de ce qu’on l’on peut appeler la « Saga Habib Diop ».
Nous étions en 1978 juste après son mariage en 1976. A son arrivée à Bakel, il trouva sur place une boutique (SONADIS) et un commerçant maure du nom de Mohamed Chaitou, deux acteurs clés de l’activité commerciale à Bakel dans les années 1970. Habib commença le commerce à Bakel par une «petite table » comme on en voit aujourd’hui dans les marchés. Il venda également des produits alimentaires dans une « cantine » près du grand marché. A l’époque, il payait 2.000 francs Cfa à la Mairie. Il réussit à obtenir un capital de 300.000 francs Cfa. Cette somme lui permit d’élargir son activité commerciale dans les villages environnants notamment à Balou à travers un des amis Mor Cissé (installé à Aroundou). Sa famille d’accueil était une famille Nianghane (ses jaatigui). Il séjourna à Balou après s’être remplacé à Bakel par son frère venu de Touba également.
Il revint à Bakel en 1981 apès avoir passé sept ans à Balou. Il changea de place et ouvrit un magasin alimentaire près du marché dont la reconstruction venait de commencer. Habib y vendait du riz, du sucre, de l’huile, etc. C’est ainsi qu’il multiplia ses voyages entre Bakel, Touba, Dakar et Kaolack. En dehors des villages environnants, il ouvrit d’autres boutiques qu’il confiait à des commerçants de sa famille proche ou éloignée. Il s’initia aussi au commerce des tissus A cette époque, les commerçants soninkés étaient issus de la famille de Samba Diogou Dramé de Bakel Coura. Il y avait aussiÂÂ Youba Tandian et Dala Camara qui travaillaient avec le commerçant Chaïtou.
Toutefois, il faut noter qu’Habib avait rencontré quelques difficultés d’intégration à ses débuts sur les terres du Gajaga notamment avec la langue et la culture soninké. Jusqu’aux années 70, la société soninké était plus ou moins fermée. Dès lors, Habib était contraint de parler soninké. Son activité commerciale et le contact avec les populations forcent l’usage du soninké pour séduire évidemment une clientèle nombreuse. Il finit par maitriser le soninké et le puular. Cela ne l’empêcha pas d’effectuer une sorte de regroupement familial en 1981 en faisant venir sa femme (d’origine wolof) à Bakel. Cette décision rend forcément définitive la migration d’Habib à Bakel. Tous ses enfants (sauf l’ainé) sont nés à Bakel et à Balou.
Cependant, le lien avec sa terre natale Touba n’a jamais été rompu. D’ailleurs pour justifier ce maintien, il répète les propos d’un sage de sa famille qui lui confia ses mots : « Quand tu migres, n’oublie pas trois choses : d’où tu viens (origine), qui tu es (identité), ce qui t’a fait migrer (objectif) ». Cette leçon s’observe bien dans le comportement migratoire d’Habib puisqu’il acheta une maison à Touba dès 1981 tout en résidant à Bakel pour son commerce.
Bien intégré dans la localité de Bakel, il eut l’idée de diversifier ses activités. Habib s’investit dans le transport à partir des années 90. Il est parti du constat de l’enclavement de la ville de Bakel notamment sur le plan économique. Il acheta un camion pour effectuer le transport de marchandises entre Dakar-Bakel. Il était spécialisé dans le convoi de produits alimentaires (riz, sucre, huile, etc.). Plus tard, son parc automobile atteignit six camions. Il faut aussi préciser que l’entrée d’Habib dans le transport coïncidait avec le départ des maures dû au conflit de 1989 entre le Sénégal et la Mauritanie.
Habib s’activait également dans d’autres activités comme la boulangerie et l’immobilier. Dans le domaine de la boulangerie, il loua les locaux de laÂÂ « boulangerie Djigo » sis au quartier HLM. Dans cette reprise d’activité ; il fit soutenu par un commerçant soninké du nom de Samba Dramé qui lui avait ouvert une ligne de crédit. C’est avec cette boulangerie qu’Habib a commencé à alimenter la ville de Bakel et les villages environnants en pain. En plus de celle ouverte à Thiès, Habib ouvrit une deuxième boulangerie à Bakel après avoir « arrêté » l’activité au sein de la boulangerie « Djigo » qu’il avait loué. En dehors du pain, il s’activait également dans la pâtisserie. A cause de la compétition et de l’augmentation des boulangeries à Bakel et dans les villages environnants, les activités d’Habib dans ce secteur sont fragilisées.
Habib est également dans l’immobilier. Il est promoteur immobilier depuis quelques années. Il a gagné plusieurs marchés dont la construction du marché de Bakel appelé «Saxa Leme». Il dispose de plusieurs terrains à Bakel. D’ailleurs, les chauvins Bakélois dénoncent souvent cet accaparement des terres. Cela fait dès fois les choux gras des places publiques. On aime à pointer du doigt Habib DIOP dès que la question du foncier se pose. Seulement, les esprits éclairés mettent en garde contre toute fausse accusation. Habib n'y serait pour rien. En effet, certains bakélois, souvent happés par une certaine misère, bradent leur patrimoine foncier à M. DIOP. Il se dit également que des maires de Bakel, en proie à des difficultés financières dans leur gestion, cherchaient des liquidités auprès de Monsieur moyennant paiement en nature ( terrains, exonération de taxes…). Il a aussi une quincaillerie où il vend du ciment, du zinc, du ciment, etc. Des familles entières ont également recours à Habib DIOP pour construire leur maison sous forme de prêts ou d’autres avantages ( Mise à disposition de magasins, d’autres locaux ).
M. Diop est également acteur dans la micro finance. Il fait partie des actionnaires d'une mutuelle d'épargne et de crédit. Habib est devenu incontournable dans le paysage économique de Bakel.
Habib est très versé dans la spiritualité. Cela précède son installation à Bakel. Il est né et a vécu dans une « daara » à Touba auprès de son père. Parallèlement à l’activité commerciale, les « baol baol » de Bakel s’activent dans la religion. C’est l’une des spécificités de la migration wolof notamment celle dite « mouride » où la pratique religieuse occupe une place essentielle; l’image et les enseignements de Sérigne Touba (de son vrai Cheikh Ahmadou Bamba M’baké) se trouvant au cœur de leurs projets migratoires. C’est pourquoi dès leur arrivée à Bakel, ils ont ouvert un « daara » (pour enseigner le Coran aux enfants wolofs et même soninkés) dans les années 80 puis une mosquée dans les années 2000. Ils s’organisent autour d’un comité. Les cotisations sont volontaires.
Aujourd’hui, Habib réside à Bakel tout en gardant des liens forts avec Touba. Le commerce wolof s’est définitivement installé à Bakel, mais il fait face à une forte concurrence avec la venue d’autres peuples. Toutefois, Habib n’exclut pas de se diriger vers d’autres villes du Sénégal pour asseoir son entreprenariat.
In fine, Habib DIOP est la preuve vivante que la réalisation de soi peut s'effectuer sur les terres de Bakel. Un joli pied de nez à l'émigration qui ne cesse d'engloutir les générations de soninkés et de peuls dans la contrée.
Samba KOITA dit EYO, portrait tiré du récit de Saliou DIALLO, Doctorant à Poitiers.