
Bakelinfo.com s'est entretenu avec Monsieur Babacar CISSOKHO, Ingénieur agronome, Directeur du cabinet GACI-SENEGAL. Nous avons échangé sur plusieurs domaines allant de l'agriculture au développement local en passant par l'enseignement et le monde associatif. Il a éclairé nos lanternes sur les raisons du non décollage de l'agriculture sénégalaise, sur les financements en place pour les producteurs agricoles... En somme, Monsieur CISSOKHO est un homme engagé pour l'essor de l'économie Bakéloise.
1-Bonjour Monsieur Cissokho, pouvez-vous vous présenter sommairement à notre public svp ?
Je suis né en 1972 à Bakel, j'ai étudié à l'Ecole Régionale actuelle IMDB puis au Collège Waoundé N'diaye jusqu'en classe de 4 ème. Cap sur le Lycée d'application de Dakar jusqu'au Baccalauréat ( Série C ) où j'ai obtenu le précieux sésame pour les Universités après l'année blanche de 1988. Sur concours, j'ai été admis à l'Ecole Nationale Supérieure d'Agriculture de THIES où je sortis avec un diplôme d'Ingénieur Agronome ( Spécialité Economie Rurale ).
Après quatre années dans le milieu professionnel, je réussis à un autre concours pour aller faire une formation en Ingénieurie des projets et de l'innovation à l'Université Internationale de la Francophonie en Egypte. Depuis je suis dans le monde professionnel et dans l'enseignement. Insatiable, je travaille aujourd'hui sur une thèse de doctorat sur la Légitimation et le contrôle de la rémunération des dirigeants d'entreprises publiques pour une équité dans la répartition des ressources générées par une structure...
2- Et si on approfondissait, professionnellement quelle a été votre trajectoire ?
Comme je l'ai dit plus haut, je suis à cheval entre le monde professionnel et l'enseignement supérieur. Je dirige le cabinet GACI-SENEGAL ( Groupe d'appui Conseil Ingénieurie / www.gaci-senegal.com pour plus d'informations) en plus d'être Responsable DESK GESTION de Projets à l'Université Gaston Berger. Pour un petit rappel, j'ai fait mes premiers pas d'Ingénieur Agro-économiste à Bakel. C'était en 1998 avec le projet HORTIBAK et celui dénommé PROMER basé à Tambacounda. J'ai eu à étudier les possibilités de transformation des fruits et légumes au niveau de Bakel Commune, de Kidira, de Moudéry et de Ballou. Cette expérience m'a permis de mesurer combien les femmes du département sont très dynamiques...Il s'agissait surtout d'aider à la transformation du surplus de production. En 2000, j'ai intégré la SODEFITEX en tant que Responsable de Budget puis Chef de département ( Gestion budgétaire, Analyse des coûts et systèmes d'information ). Plus tard, j'ai refusé le Poste de Directeur Adjoint ( Novembre 2011 ) pour créer ma propre structure en Janvier 2012 : GACI-SENEGAL.
3-Vous êtes ingénieur agro-économiste en même titulaire d’un diplôme en Ingénierie de Projets, comment pouvez-vous disséquer ces domaines pour nous autres néophytes ?
L'ingénieur agro-économiste a une double casquette : Agronomie et Economie Rurale. Cette formation permet de conduire les politiques agricoles et d'être force de propositions. En somme, l'ingénieur doit être un concepteur. La formation ouvre la porte pour des fonctions de Gestionnaire de Projet agricole, de responsable de service d'encadrement, la conduite d'une équipe de terrain et de conception dans le domaine agricole ( Agriculture, Elevage, Pêche, Environnement...)
L'ingénierie de projets est une passerelle pour la conception de grands projets de développement pour les Etats, les partenaires au développement, les grandes entreprises publiques et privées afin d'anticiper les crises et de préconiser des solutions aux problèmes des populations sous forme de projets.
J'entends beaucoup de personnes abuser du terme " Projet " ... Il ne faut pas confondre " Projet " et " Business "... Ce domaine est mal connu en Afrique. Aux USA, CANADA, c'est une discipline qui est au centre des préoccupations de grandes universités, de grandes multinationales eu égard de son apport à la compétitivité des entreprises et de leur survie. Le Ph D en Gestion de projets existe dans ces pays. Elle est en croissance en Europe qui vient de saisir son importance.
4-Le secteur primaire, votre domaine de prédilection, mobilise environ 70% des actifs du Sénégal pour seulement 20% du PIB, comment expliquez-vous ce cruel contraste ?
Tant que la croissance n’est pas tirée par le secteur Primaire, la pauvreté continuera à sévir dans nos pays. On dit souvent que l’agriculture est la priorité de nos gouvernants mais c'est plus du tapage médiatique qu'autre chose. Il faut partir du budget de l’Etat pour s’en rendre compte. La contribution du secteur agricole est faible car les niveaux de production sont encore minimes malgré la mobilisation de 70% de la population. Nous importons la plus grande partie de ce que nous consommons. Nos productions sont encore faibles et confrontées à la masse de population concernée, on note en moyenne des superficies de 0,5 à 1 Ha par exploitation. Comment voulez-vous que la contribution du secteur primaire au PIB soit importante avec ce niveau de superficie par exploitation agricole.
Le premier élément sur lequel il faut jouer c’est l’augmentation des superficies et de la productivité. Sur cette dernière, des efforts ont été faits sur toutes les cultures, le niveau des rendements a été amélioré par le biais de la recherche mais il faut absolument revoir le ratio Superficie/Exploitant. Une équation pas facile à résoudre car plusieurs variables entrent en jeu : Régime foncier, Qualité des sols, Commercialisation des productions, accès à l'eau, gestion des risques agricoles, mécanisation, Infrastructures routières... ). A titre d'exemple, peut-on demander à un transporteur de construire une route et de l'exploiter ? Rentrera t-il dans ces fonds ? C'est le même cas pour le producteur ... L'accès à l'eau devrait être du ressort de l'Etat. L'Egypte n'importe pas pour se nourrir, comment a t-elle réglé cette question ? Elle construit des routes d'eau... Tout agriculteur peut se brancher sur la route d'eau et faire son agriculture et son élevage.
Au Sénégal, à part la vallée du fleuve et l'Anambée voire quelques bassins de rétention, la majorité de nos producteurs et éleveurs se contentent des eaux de pluies pour développer leurs activités. Il faut réfléchir à un système d'irrigation d'appoint pour certaines zones pour combler le déficit pluviométrique. Et cela passe par la mise en place de mini-forage, de puits... Mais, dans un environnement où les gens n'arrivent même pas à avoir de l'eau potable correctement, comment peut-on orienter les forages vers l'agriculture. Il faut intégrer tous les besoins d'eaux à combler sur 10 ans pour les installations hydrauliques à mettre en place. Aussi, peut-on développer un secteur dont on ne connait pas ses acteurs ? Je défie quiconque qui ose dire qu'il a une base de données détaillée des acteurs agricoles du pays dans les différents démembrements de l'agriculture. Quand on veut développer quelque chose, il faut un point de départ et ensuite l'on pourra mesurer l'impact des actions à terme. Je vais m'arrêter là mais beaucoup de choses à faire en amont ne sont pas faites. C'est le cas pour l'autosuffisance alimentaire. Rien a été fait comme il se devait...D'ailleurs, sur le site de GACI, quelques esquisses sont disponibles pour ces travaux en amont que nous devons faire.
5-On ne cesse de nous marteler que l’agriculture est une des voies vers l’essor de l’économie du pays, pouvons-nous toujours croire à cette théorie ?
C'est une théorie qui est juste... Il n' y a pas un pays développé ce jour sans une agriculture développée. Un pays doit avoir sa souveraineté alimentaire. C'est un fondement d'un développement durable. Ceci est d'autant plus vrai que les prochaines années, il y a un risque de guerre alimentaire. Même votre argent ne peut vous garantir la nourriture. . L'Etat Sénégalais doit prendre les devants surtout pour le cas du riz. Les prix peuvent flamber à tel point que les ménages sénégalais ne pourront plus acheter le riz importé. Il faut une autosuffisance alimentaire en riz. Il faut que les ressources de l'Etat investies soient suivies selon le principe de gestion de la GAR ( Gestion axée sur les résultats ).
6-Comment avez-vous accueilli la Grande offensive pour la nourriture et l’abondance ( GOANA), fantasque idée du président sortant Abdoulaye Wade ? Comment expliquerez-vous les tenants et les aboutissants de cette GOANA au paysan de « Foloboula » ou de « Gassambilaxe » voire un paysan lamda simplement ?
La Goana en tant qu'idée est géniale. Il faut de la nourriture car ce sera l'un des enjeux de demain. A ce niveau, c'est bien mais ce programme n'a pas été décliné sous forme de projets cohérents, par zone et par filière. On a injecté de l'argent sans pour autant s'intéresser aux résultats. Avec la gestion axée sur les résultats et la mise en place de projets cohérents avec une responsabilisation des unités d'exécution, tout CFA devrait être justifié et son impact évalué pour chaque campagne agricole.
Les objectifs quantitatifs doivent être déclinés par région, par département, par communauté rurale, par exploitation agricole. Pour arriver cela, il aura fallu une base de données des producteurs par filière... Ce n'est pas le cas aujourd'hui pour notre agriculture donc vous voyez que c'est difficile de traduire en acte la volonté du gouvernement dans le domaine agricole...Le paysan de " Foloboula " ou " Gassambilaxe " ne sait même pas de quoi s'agit-il ? Ce programme est global. Il n'a pas été décliné jusqu'au niveau des producteurs.
7-Est-il possible de développer notre agriculture sans passer par la « Grande Muraille Verte » plébiscitée par Wade de son règne ?
Avant la grande muraille verte, il faut la petite muraille verte pour chaque champ agricole, et pour chaque emplacement de troupeaux. J’ai travaillé sur un modèle d’exploitation agricole sous forme de ferme intégrée, respectueuse de l’environnement et productrice d’oxygène par la plantation d’arbres au niveau de l’exploitation. Ce modèle, l’Etat peut l’exiger aux petits producteurs et aux grands privés pour bénéficier d'un appui et des subventions. C’est à étudier, je suis prêt à le partager avec les autorités.
La grande muraille peut être aussi mise en œuvre parallèlement car il a un aspect important dans le sens qu'elle prône l'intégration... Ensemble, nous pouvons trouver des barrières contre la désertification. C’est un combat qu’il faudra mener mais ce projet doit être pris en charge par l’Union africaine avec un délai de réalisation. Les outils à fournir, les structures en charge de son exécution ainsi que les financements doivent émaner de l'union africaine. Depuis l'annonce du projet, aucun résultat n'a été visible. Il était dit que chaque pays devrait être chargé d’une partie mais à mon avis il faut traiter le projet sous forme d’une intégration avec une structure à caractère régionale qui travaillera avec des ONG ou des organisations locales pour faire les choses dans le sens des objectifs définis dans le cadre du Projet Grande muraille verte.
8-Vous êtes Directeur du cabinet GACI (Groupe d’appui Conseil et Ingénierie), quels sont les types de financement disponible pour nos paysans ?
GACI travaille dans le cadre de l’Evaluation des projets et fait des études pour les structures de développement. Pour le financement des producteurs, on peut trouver les structures formelles comme la CNCAS avec l’appui de l’Etat, les structures de Microfiannce comme le CMS, ASProdeb, PAMECAS ect et des ONG.
Pour les structures informelles, on trouve de grands commerçants qui financent le producteur avec des taux usuriers et souvent ces grands commerçants ont la mainmise sur la production agricole du producteur. Ils se font rembourser en nature.
Pour tous ces types de structures, on a le financement de la campagne agricole (Intrant, semences), le financement de la commercialisation.
Par contre, il n’existe pas le financement de la soudure à part quelques commerçants véreux qui exploitent la situation défavorable du producteur pour lui donner en nature de la nourriture en contrepartie de sa production avec des taux d’intérêts usuriers.
Le warrantage est une technique de financement qui pourrait garantir un prix acceptable au producteur afin que ce dernier ne brade pas sa production et cela pourrait aussi régler le problème de soudure.
9-En tant qu’expert, pensez-vous que la CNCAS joue bien son rôle dans le développement du secteur primaire Sénégalais ?
Bien qu'il fasse déjà un service important dans le crédit de campagne et de commercialisation, je dirais sincèrement non. A mon avis, elle pouvait jouer encore plus ce rôle en étant très proche du monde rural, en s’approchant davantage de sa cible de base. Le CMS est en avance sur elle dans ce domaine mais elle peut se rattraper car ses taux d’intérêts sont meilleurs que ceux pratiqués par le CMS. D’ailleurs quand j’étais à la SODEFITEX, j’avais piloté un projet de conception pour avoir des gap ambulants de paiement de producteurs qui pourraient se rendre dans les villages de producteurs à des périodes bien précises dans l’année et à bien définir les choses avec les producteurs.
Mais mon inspiration vient du modèle Mohammed Yunus de la Gramen Bank (la banque des pauvres). La CNCAS doit faire une mutation ou s’agrandir en ayant cette dimension de la pauvreté dans ses missions avec d’autres types de prêts.
10-La micro-finance est-elle très bien adaptée aux besoins de financement du secteur primaire sénégalais ? Sur quelle base l’est-elle ?
La micro-finance est bien adaptée au financement du secteur primaire sénégalais d’autant plus qu’elle peut s’intéresser directement au producteur car la CNCAS ne finance que des associations, des GIE, ou des individuels qui ont des garanties. Quel producteur du bas de l’échelle peut offrir une garantie ?
La micro finance n’apporte pas que de l’argent, elle a un paquet de services qui va de l’octroi du crédit à la formation en passant par le suivi de l’activité, la prise en charge de la santé, et même parfois de la scolarité des enfants. La base essentielle de la micro finance, c’est son volet social et cela la différencie des autres banques. Nos producteurs ont besoin de cet accompagnement n’est ce pas ? La relation n’est pas basée sur l’argent mais sur la confiance et la dignité humaine. C'est cela le vrai sens de l'entraide.
11-Vous êtes du département de Bakel, une localité aux forts potentiels agricoles, que manque-t-il à ce département pour tirer son épingle du jeu ?
Bakel vient d’avoir des aménagements nouveaux qui étaient la principale contrainte pour développer de l’irrigué. Mais il s’avère que la digue de protection a cédé l’année dernière et les casiers étaient inondés causant d'énormes pertes. La digue a été refaite mais les producteurs courent derrière les indemnisations de l’Etat. A ce jour, le problème n'est toujours pas résolu. Sans cette indemnisation, les producteurs ne pourront pas renouveler leur crédit au niveau de la CNCAS donc pas de campagne agricole sauf pour ceux qui peuvent s’autofinancer.
L'agriculture ne fait pas vivre son monde dans le département, nos parents vivent surtout de l’argent mis à leur disposition par les émigrés. Cet argent leur sert à enrichir les commerçants. Les greniers ne sont pas remplis par les terres mais par les parents en France. Ce phénomène limite la production agricole de la zone. Les femmes s’investissent dans l’horticulture mais juste pour la consommation de leur environ immédiat. Les émigrés ont la clé du développement agricole du département, ils ont vu ce qui se passe dans les pays développés . Avec leurs ressources, ils peuvent booster l'agriculture . J’ai eu à discuter avec certains émigrés de la création d’une banque des émigrés à Bakel pour financer prioritairement la modernisation de l’agriculture et de l’élevage en vue d’une exportation vers l’Europe. C'est pas utopique. Il faut sortir des circuits classiques de consommation pour devenir créateurs de richesse.
12-Les paysans Bakélois sont aujourd’hui structurés en GIE et autres coopératives, sont-ils sur la bonne voie pour mieux exploiter la terre ?
Cette structuration est imposée par la SAED et la CNCAS pour accéder aux terres aménagées et au crédit. Le mangement de ces structures peut défavoriser certains producteurs travailleurs. On a pas une transparence totale dans ces structures. Il faut qu’on puisse toucher aux plus vulnérables, exclus de ses associations pour faute de cotisation afin d' avoir une politique dite individuelle. Ces gens qui n'ont que leur force de travail pour s’en sortir doivent bénéficier de la terre et du crédit en nature (semences, engrais).
Ceux qui ont les moyens doivent sortir de ces coopératives pour avoir leur exploitation individuelle avec plus de superficies pour devenir des entrepreneurs agricoles qui pourront même recruter des techniciens agricoles et autres. Il faut qu’on aille vers ça. Avec les coopératives, ce n’est pas évident . Il faut de grands privés dans ce secteur.
13-La SAED a presque disparu dans le département de Bakel, doit-on s’en alarmer ? Quelles étaient les missions de cette structure ?
C’est trop de dire que la SAED ( avant il y avait tout un personnel basé entre Bakel et Tuabou ) a disparu de Bakel. Il y a toujours une délégation à Bakel . Il est possible que les producteurs ne soient pas satisfaits de ses services. La SAED avait au départ une mission d’appui technique pour encadrer les producteurs en vue de produire du riz qu'elle doit acheter. En sus de cette mission technique, elle avait en charge la mise en place des aménagements, leur gestion et la fourniture de l’eau aux exploitations.
Aujourd’hui ce n’est pas le plus le cas, il y a un désengagement de la SAED au profit d’une responsabilisation des producteurs dans la gestion des aménagements et de la distribution de l’eau. La SAED peut toujours apporter le conseil agricole nécessaire aux exploitations pour augmenter la productivité. A ce niveau, la SAED a réussi globalement pour le cas du riz car les rendements sont passés de 3T/ha à 8 à 10 tonnes à l’ha. Bakel n’est pas concerné par ses chiffres car Bakel vient d’avoir ses aménagements dernière génération.
Il faut que la SAED soit jugée sur l’augmentation des productions et des revenus des producteurs. Car il me semble trop facile de dire que la SAED ne s’occupe que du conseil. Ce conseil que la SAED donne à un coût que l’Etat sénégalais supporte. Ce résultat de conseil, il faut qu'elle soit mesurable . Ce que je dis est valable aussi pour l’ANCAR (Agence Nationale du conseil agricole et Rural). Le conseil qui est fourni a un coût que l'Etat supporte. Comment ce conseil se traduit en terme de résultat chez le producteurs ? J'aimerai savoir. On doit appliquer la Gestion axée sur les résultats aux structures d’encadrement rurales ? Depuis combien d’années on encadre les producteurs ? Depuis plusieurs années, mais notre agriculture se porte toujours mal ? La rémunération de l’encadrement est-elle liée au résultat du producteur, au sort du producteur ? Non, ce n'est pas le cas... Ces structures conseillent-elles réellement le producteur ? Il faut qu’on creuse ces questions ? J’ai rencontré un producteur récemment à Fass Ngom dans la région de St louis au cours d’une évaluation d’un projet en fin de phase, le producteur m’a dit qu’ il n'a pas besoin d’encadrement. Il a surtout besoin d’une amélioration variétale, de semences de qualité et d’engrais de qualité. J’ai le fichier audio de cet entretien. C'est pour dire que ces structures ne sont souvent pas en phase avec les producteurs agricoles.
14-Le fleuve Sénégal est réputé très généreux en ressources naturelles, que faut-il faire pour transformer cette aubaine en richesse ?
Ce qui me fait personnellement mal c'est de ne plus voir de « Gnala » ( crevette ) au fleuve. On impute cela aux effets du barrage. Une des valorisations est la culture de décrue car le fleuve dépose des nutriments importants au moment de son retrait. Les cultures de décrue se font presque à faibles coûts (sans engrais) et les rendements obtenus sont importants. Un moyen de lutte contre la pauvreté est la culture de décrue. Il faut aussi une étude poussée pour détecter les nouvelles zones poissonneuses après l’installation des barragers en vue de développer l’activité de pêche au niveau du fleuve. Il faut des projets de mises en valeur afin de tirer plusieurs ressources de ce don du ciel.
15-Votre métier vous place au centre névralgique du développement local, en tant que fils de Bakel, que préconisez-vous pour moderniser l’agriculture Bakéloise pour atteindre l’autosuffisance alimentaire, mieux exporter les fruits de leur labeur ?
Il faut nécessairement l’appui des émigrés par le financement et la prospection des marchés à l’extérieur. Il faut que le conseil de la SAED soit conséquent en terme de résultat. Il faut une ferme exploitation modèle qui permettra de former les producteurs aux techniques moderne de production. Ceci devra permettre de produire les semences sur place pour les agriculteurs de Bakel car qualité de la semence joue beaucoup sur la productivité (J’ai déjà travaillé sur le modèle). Il faut aussi une intégration agriculture-élevage pour permettre d’amender les sols et réduire les coûts liés à l’engrais. Il faut aussi à côté des coopératives développer des privés individuels qui ont des moyens comme nos émigrés. Ceux qui veulent rentrer et exploiter des grandes superficies avec du matériel haut de gamme seront largement rétribués à moyen terme.
16-Passons à votre métier d’enseignant, vous intervenez à l’UGB en tant que responsable DESK Gestion de PROJETS, que faites-vous exactement dans cette université ?
Au niveau de l’UGB, je suis responsable Master Gestion de Projet au niveau de l’UFR Sciences Economiques et de Gestion. J’ai participé à la conception du Programme et je dispense des cours plus précisément en Gestion de projet et contexte, Gestion stratégique des Projets, Méthodologie de conduite de Projets, Gestion des risques en Projet, Consulting...
17-Vous avez été cadre à la SODEFITEX, fleuron de l’industrie régionale, comment se porte cette société ?
La société va mal aujourd'hui. Les Producteurs se recensent de moins en moins. L’entreprise n’arrive pas à atteindre les objectifs qu’ils se fixent. Pour la campagne écoulée, pour un objectif de 50 000 tonnes, la Société a affiché une production de 25 000 tonnes soit 50 % des objectifs. Actuellement, elle était en train de libérer une partie du personnel pour pouvoir survivre. Le personnel est démotivé et les producteurs ne font plus confiance à la Direction en place. Cette situation résulte du mode de gestion bureaucratique et centralisé. A la place, il fallait mettre en place un mode de gestion adhocratique car le personnel est de plus en plus éduquée. Le mode de gestion joue beaucoup sur sa performance. Il faut le changement du top management pour que la société puisse repartir sur de nouvelles bases comme ça été en 2000 avec l’équipe actuelle. Quand vous faites 12 années à la tête d’une entreprise, vous n’êtes plus créatif, et votre énergie est au plus bas pour régler les problèmes. En 2000, le Directeur Général était presque toutes les semaines ou deux semaines en zone cotonnière. Les trois dernières années, sa présence sur le terrain était quasi-nulle. C’est normal, l’équipe dirigeante n’a plus de souffle pour développer la structure.
18-De manière globale, comment voyez-vous le département de Bakel ?
Historiquement, Bakel est la seconde ville du Sénégal après St louis mais aujourd’hui on constate que le Département manque de tout. Je ne sais même par où commencer. Bakel a une culture très riche avec le Boundou et le Gadiaga.Il faut vraiment un projet de mise à niveau pour que Bakel puisse amorcer son développement. On ne fait souvent que parler... Les actions concrètes tardent. Les problèmes de Bakel sont connus de tous. L'Etat feint de les oublier.
19-Si vous étiez ordonnateur de dépenses publiques, que devraient être les actes prioritaires pour sortir Bakel de sa torpeur ?
Il faut, à mon avis, déterminer le circuit économique du département en fonction des activités économiques développées. Ce circuit économique, s’il concerne des routes , ces dernières doivent être construites en bitume. Ensuite sur la base de ce circuit voir les zones qui ne sont pas accessibles par rapport à ce circuit et prévoir des cases de santé et de puits ou forages dans ces zones vu qu’ils n’ont pas accès aux routes économiques. Prévoir un appui au développement des activités économiques du circuit identifié. J’ai déjà un conçu un projet en ce sens appélé Projet d’appui technique aux initiatives locales du département de Bakel qui se chiffre à 8 millards de F CFA réactualisé, il serait de 14 milliards.
20-Vous êtes Vice-Président de la CCB ( Convention des Cadres de BAKEL), une association souvent qualifiée de « regroupement de cracks » déconnectés des réalités Bakéloises, comprenez-vous ce genre de thèses ?
Oui c’est qu’on disait mais je pense que ce n’est plus le cas, je viens de Bakel il y a même pas un mois. Les moyens de communication sont développés donc les gens sont informés en temps réel et puis je n’ai pas attendu la convention pour participer au développement de Bakel, la convention m’a trouvé sur ce chemin. Je suis en phase avec la convention.
21-Vous êtes également PCA du RJDB ( Regroupement des Jeunes pour le Développement de BAKEL au Sénégal ), pourquoi cette association ?
Ce regroupement a été mis en place pour développer des activités de développement et trouver des emplois pour le jeunes.
22-Quelles ont été les réalisations de cette dernière au niveau du département de Bakel ?
Crée en Aout 2000, le RJDB est l’association qui a introduit l’informatique à Bakel en formant certains de ces membres et les agents de l’Etat de la commune de Bakel gratuitement avec nos ordinateurs. La cérémonie de remise de diplôme a été présidée par le Préfet qui a magnifié notre geste en formant le personnel de l’Etat.
De cette formation, deux membres de l’association qui ont été formés ont ouvert un cyber, aujourd'hui installé au niveau du marché. Il sert aujourd’hui la ville et les élèves. Ce cyber forme les élèves à l’utilisation des logiciels ? Nous avons pu créer 2 emplois par notre action.
Nous avons aussi formé des jeunes filles à la transformation des fruits et légumes gratuitement. A l’issue de la formation 3 jeunes du lot ont ouvert une boutique pour fabriquer des produits et les vendre. Elles ont finalement émigré en France après obtenu les ressources nécessaires pour leur émigration. Nous avons pu créer 3 emplois de jeunes filles.
Nous avons aussi testé, le micro crédit pour la fabrication de beignets à base de mil sunna. Nous avons financé en nature tous les intrants nécessaires à la production des beignets. Nous avons été confrontés au problème de remboursement car un membre de l’association était désigné d’aller récupérer par semaine les remboursements. Pour ce cas il a été noté un non remboursement ce qui a freiné l’activité. Les ressources de l’association proviennent des cotisations et d’organisation de soirées.
NB : 2 week-end sur 4 je quittais Tambacounda pour aller sur Bakel pour les activités de l’association.
En septembre 2003, mon départ pour l’Egypte a ralenti l’activité de l’association. A mon retour, mes activités universitaires à St louis, mon boulot à la SODEFITEX ne m’ont pas permis de descendre fréquemment à Bakel. Le RJDB est tombé dans la léthargie, nous avons renouvelé le bureau en 2006 pour donner un nouveau souffle avec l’arrivée des plus jeunes. Les jeunes ont pu faire un assainissement des lieux de prières. Le compte de l’association dispose de l’argent mais il ne fonctionne plus comme avant. Mais il y a une dynamique d’aller vers les questions environnementales dupour cet effet. Voila quelques lignes pour parler de la RJDB.
23- Dernier mot :
Mes remerciements à l'endroit de votre personnel... Je salue tout Bakel et j'espère que les initiatives seront nombreuses pour sortir notre localité de son marasme actuel.
Interview réalisée par Samba Fodé KOITA dit EYO, www.bakelinfo.com