
Le Sénégal est un pays vraiment extraordinaire ! Mocirédin qui se considère comme un Sénégalais à part entière et non un Sénégalais à part, ne digère pas du tout la situation « ni-paix-ni-guerre »- de son pays !
Il n’apprécie ni le Pouvoir ni l’Opposition, ni même les autres franges de sa société. Comme un égaré, il erre dans la nature à la recherche d’un peu de compréhension, d’humanisme. L’époux de Diambéré Khoumba est plus triste qu’un enfant qui vient de perdre coup sur coup son père et sa mère sous ses yeux ! L’émotion se lit aisément sur son visage décoloré par la colère.
<<-Qu’ai-je fait au bon DIEU pour naître parmi des intellectuels, pense silencieusement Mocirédin ? Le Sénégal n’a que des « têtes ». Il n’a ni corps, encore moins un cœur ! Il réfléchit tellement qu’il fléchit vers les ténèbres. Depuis plusieurs années, tous les regards sont tournés vers notre pays. Même s’il est vrai que monsieur Diaman Bathily, grand pédagogue, expliquait autrefois à ses élèves que ce beau pays ressemble à une tête de personne, Mocirédin n’y croit pas. Et pourtant, à y voir de plus près, ce grand Maître a encore raison.
En regardant la carte du Sénégal, cette impression persiste :
-A l’extrême gauche, c’est-à-dire à l’Ouest, Dakar qui plonge dans l’Océan Atlantique, ressemble à un nez.
-En haut, au Nord, au-dessus du front, là où commencent les cheveux, c’est Saint-Louis du Sénégal, cette vieille ville française qui se met en exergue.
-Les cheveux, noirs, gris ou blancs, derrière la tête, donnent l’image du fleuve Sénégal avec, à la hauteur de la nuque, Bakel Saré Demba, la capitale du Gadiaga.
-La bouche entrouverte montre la Gambie, véritable enclave.
-Tout en bas, du menton à la base de la nuque, la Verte Casamance étale sa verdure et salue nos voisins Guinéens de Conakry et de Bissau.
-C’est dans le creux de l’oreille que Tambacounda, la capitale de la région orientale se cache.
DIEU a tout fait pour rendre les gens de mon pays au-dessus des autres mais les Sénégalais s’entêtent. Ils refusent de jouer leur rôle de leader que le TOUT PUISSANT leur a gracieusement offert sans contrepartie. Ils sont naturellement « TETE », donc en tête sans vouloir ressembler à leur image.
Comment se fait-il que toute l’attention des hommes et des femmes de ce pays ne soit braquée que sur le PETROLE et le GAZ ? Le pays ne vit plus car il ne travaille plus. Dans les bureaux, les places publiques, les marchés, les écoles, les hôpitaux, dans les gares (routières, ferroviaires ou maritimes) jusque dans les endroits insoupçonnés comme les mosquées et les cimetières, l’on ne parle que de PETROLE et de GAZ !
Moi, le pétrole que je connais, ma mère Sidibé Foula le mettait dans le réservoir rouillé de l’unique lampe-tempête de la maison pour éclairer notre demeure ! Quant au gaz, seuls les nantis de mon village l’utilisaient pour leur cuisine. Voici que maintenant, du plus instruit de la nation au fou du village qui erre dans les rues, la mode exige de s’exprimer autour du PETROLE et du GAZ qui prennent une dimension tellement démesurée qu’ils donnent le tournis. Comme le Sénégalais est prompt à se faire spécialiste de tout, tous les gens de mon pays vont bientôt prendre la place tant enviée d’Aliou Cissé en qualité d’Entraîneur. Aujourd’hui tout le monde est chimiste, spécialiste du PETROLE et du GAZ.
J’ai entendu (n’est-ce pas plus prudent ?) qu’en Libye, chez feu Khadafi, ce nationaliste, comme un peu partout dans le monde, ce PETROLE et ce GAZ-là sont à la base des guerres de tout genre. Certains vont jusqu’à penser que les « JIHADISTES » sont une création du PETROLE et du GAZ. Avec la dislocation de pays qui offraient des revenus consistants aux nationaux et aux émigrés, le gain à n’importe quel prix a conduit ceux qui gagnaient honnêtement leur vie à la sueur de leur front chez le guide de la Révolution Libyenne à ignorer les bons comportements, à changer leur fusil d’épaule, à se battre au propre comme au figuré pour sortir de l’ombre.
PETROLE et GAZ ! Ceux qui, naïfs comme moi, croient encore qu’ils pourront vivre heureux dès le début de l’exploitation de ces produits doivent déchanter et se mettre au travail, tout de suite, pour « survivre ».
Le PETROLE et le GAZ vont-ils bloquer le pays ? Ne va-t-on pas passer tout le temps, tous les moments à se chamailler, se crêper le chignon, s’entredéchirer, se vilipender, laver notre linge sale hors de la famille, fréquenter l’arbre à palabre au lieu des lieux de travail ?
Notre pays a besoin, plus qu’hier, de plus de calme, de sérénité, de JUSTICE, de JUSTICE et encore de JUSTICE JUSTE et EQUITABLE (est-ce un pléonasme ?)! Il faut que cesse l’impunité au nom du « clanisme », de l’ethnie, de la camaraderie, de la fraternité d’arme ou de sang, du talibé de la même confrérie …….
Qu’on ne trouve pas au fond de nos prisons surchargées que des voleurs de poulets (pour se nourrir !!!) en compagnie de petits voyous à la sauvette seulement, les AUTRES aussi, les GROS MANGEURS, surtout, ont leur place dans ces geôles. Plus jamais deux poids, deux mesures ! Il faut de l’EQUITE !>>
Mocirédin se rend compte très tard, qu’il se parlait seul. Il eut honte un moment puis se mit à rire de lui-même.
Il tient à son pays et ne voudrait en aucun cas le voir s’enflammer puisqu’on parle de PETROLE et de GAZ.
Idrissa Diarra