
Depuis plus de dix jours, aucune goutte d’eau n’est tombée sur le sol du Gadiaga. Les trois dernières pluies sont vite oubliées. Le tapis herbacé de la semaine passée commence à s’étioler sous l’effet des rayons du soleil. La nature semble triste. Chaque jour qui passe complique la vie des hommes et des animaux. La chaleur se réinstalle et rappelle les durs moments de la saison sèche.
La SENELEC et la SDE, dans ces périodes difficiles, au lieu d’amoindrir les douleurs des populations, les augmentent au contraire avec des coupures intempestives d’électricité et des ruptures régulières d’approvisionnement en eau. Bakel, Saré Demba n’a ni eau ni électricité : cela dure depuis quatre jours, des jours de calvaire pour les populations sans eau et vivant dans l’obscurité avec tout ce que cela implique comme maladies liées à l’eau impropre à la consommation, aux malades dans les hôpitaux qui manquent d’énergie pour les opérations, sans parler des produits réfrigérés qui sont jetés à la poubelle sans aucune contrepartie des Sociétés responsables.
Mocirédin craint beaucoup la chaleur bien qu’il soit né ici. Il transpire à grosses gouttes. Le pan de son grand boubou essuie à chaque instant sa figure couverte de sueur. Malgré la rigueur du climat, Diambéré Khoumba, son épouse, elle, ne se plaint jamais. Son corps semble s’être adapté à l’environnement depuis sa naissance. Elle garde les mêmes habitudes depuis sa tendre enfance. Avec ses deux enfants, Mma Tokhora et Taata, ils reviennent du fleuve portant chacun un bidon de vingt litres d’eau. Heureusement : Fanta Aminta est arrivée à Bakel, la semaine dernière venant de France. Dans ses bagages, elle n’a pas oublié de prévoir de l’Aquatabs.
L’Aquatabs est un produit pharmaceutique utilisé pour prévenir les diarrhées et les troubles gastro-intestinaux en éliminant les micro-organismes transmis par l’eau de boisson contaminée.
Avec cette pénurie d’eau potable, l’occasion se présente et permet de vérifier les effets de ces comprimés. Pour l’emploi, la bonne nièce de Mocirédin, Fanta Aminta a expliqué qu’un comprimé doit être utilisé dans dix litres d’eau « douteuse » pour la rendre potable au bout de trente (30) minutes.
Mocirédin se pose énormément de questions actuellement. L’hivernage était et reste attendu avec beaucoup d’espoir, espoir de faire de bonnes récoltes, espoir de vivre dans un environnement sain, espoir d’être heureux durant trois mois au moins. Mais la saison des pluies, c‘est aussi cette période bien redoutée par les populations qui voient les eaux envahir les champs et les ponts, noyer les routes, empêcher le ravitaillement de Bakel en produits alimentaires. Même le carburant manque souvent, obligeant les bakélois à acheter ces denrées devenues subitement rares, chez nos voisins Maliens ou Mauritaniens. Notre économie ressent donc les soubresauts du climat.
Mocirédin regarde son épouse toujours joyeuse, s’époumonant derrière ses marmites dans une cuisine si étroite que trois personnes ne peuvent s’y trouver en même temps. Il a presque pitié d’elle, la pauvre Diambéré Khoumba ! Que vaut une vie dans la misère ? Une traversée des années difficiles ? Et malgré cela, ne montrer que cet air de bonheur, ce visage toujours gai où l’on ne reconnaîtra jamais les traces morbides de la soif et de la faim.
<<-DIEU est grand, s’écrie Mocirédin ! Depuis que le monde existe, les riches et les pauvres ont cohabité. Les pauvres n’en sont pas morts. Ils ont au contraire été dopés par les nantis qui, à force de les snober, les ont rendus sûrs d’eux-mêmes, sans aucun complexe. La pauvreté a ce côté bénéfique qui donne aux « miséreux » cet esprit de sacrifice, ce don entier de soi pour sortir dignement de la misère. Cela nécessite une volonté, du courage, de la force de caractère, l’envie de réussir comme les …riches.
-Puisque tu ne sors pas, puis-je demander à Mma Tokhora de préparer le matériel de thé pendant que Taata ira appeler Samba Amina, Thiéblé, Boulaye Moumé et Mamadou Bakary tes amis, dit tout doucement Diambéré Khoumba en s’approchant de son mari ?
-J’avais justement besoin d’eux pour partager mes idées et par la même occasion diminuer le stress qui me guette. Tu es incomparable Khoumba ! Je prie le bon DIEU de te garder longtemps sur terre pour que tu répandes ta joie de vivre, ta gentillesse, ton sens de la solidarité autour de toi.
-Mocirédin, c’est grâce à toi que je suis devenue ainsi ! Remercie avec moi ALLAH le MISERICORDIEUX de t’avoir mis sur mon chemin, celui qui me conduira, je l’espère au PARADIS ! >>
Idrissa Diarra, bakelinfo.com
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