
Durant ces deux semaines de congés scolaires, Taata n’a pas un seul instant ouvert un cahier. Il a passé tout son temps à s’amuser avec ses camarades de jeux. Il est tout heureux de profiter de cette moitié de mois pour vadrouiller, imiter le lézard bien que les rayons du soleil réchauffent, faire n’importe quoi sauf penser à l’école, s’éloigner de tout ce qui rappelle quatre murs avec un tableau noir !
Contrairement à son frère, Mmatokhora, elle, avait le nez plongé dans ses << bouquins >>. Mmatokhora est candidate au Certificat de Fin d’Etudes Elémentaires (CFEE) cette année. Elle fréquente le CM2 B, la classe de madame Camara, une brave dame qui a compris que les enfants qui sont sous sa charge représentent le futur de notre pays, notre relève, nos espoirs. Elle ne se repose pas, la bonne dame. Matin et soir, elle travaille avec ses élèves.
Diambéré Khoumba, à un certain moment de ces fêtes, avait essayé de << distraire >> sa fille en la chargeant de corvées. Mmatokhora était allée se plaindre, sans sourciller, auprès de son père, en lui précisant qu’elle, Mmatokhora, avait l’intention d’étudier pour être plus tard une sage femme afin d’aider les femmes de son pays !
Mocirédin n’en croyait pas ses << oreilles >> :
<<- Une si petite fille de cet âge, à peine 14 ans, s’exprimer avec autant de convictions ! Ce n’est pas possible ! Est-ce sa fille Mmatokhora, l’homonyme de sa mère ? De qui tient-elle cette volonté de devenir, cette rage << d’arriver >>, de transformer son univers, de parvenir à argumenter pour convaincre son interlocuteur ? C’est sûr qu’elle tient de moi seul cette force de caractère. Sa mère est………
-A quoi pense encore mon cher époux, intervient Diambéré pour troubler comme à son habitude son mari?
-Je suis fière de ma fille ! Bon sang ne saurait mentir ! Je sais qu’elle a hérité……
-Bien sûr qu’elle va hériter des caractères de ses parents ! Pourquoi voudrais-tu à tout moment tirer tous les avantages de ton côté ? Mmatokhora n’a-t-elle pas de mère ou est-ce qu’elle est tombée du ciel, un soir de clair de lune ? Je ne te l’apprends pas car tu le sais déjà, Mocirédin, une fille…….
-Ho ! Tu reviens encore avec tes grandes théories ! Tu ne pourras pas me convaincre cette fois-ci puisque j’ai beaucoup réfléchi sur le comportement de ma fille, homonyme de ma mère Aissé Moussa.
-Tu me donnes toujours raison dans nos discussions. Tu parles de ta mère : une femme comme moi. De ta fille, une future femme qui est aussi ma fille. Des bons comportements, tous féminins. Qu’as-tu << touché >> de masculin, mon homme ?
- Mma, on dirait que vous parlez de moi ? Suis-je devenue si importante à vos yeux ? D’où vient ce changement, cet intérêt soudain demande la fille à sa mère?
-C’est ton père qui commence à vieillir et à confondre le jour et la nuit, répond Khoumba !
-Mmatokhora, ne fais pas attention aux calomnies de ta mère, je………
-Tu entends, toi-même ma fille .De tes propres oreilles, tu entends ton père me traiter de calomnieuse !
-Tu aggraves toujours les choses simples en énormes montagnes ! Loin de moi l’idée de te considérer comme une calomnieuse ! Je veux que tu comprennes que ta (notre) fille et toi, vous êtes ma seule raison de vivre. Je ne permettrai à personne de vous << regarder >>, de vous dire ou vous faire du mal.
-Papa, ne discutez pas. Je ne veux pas être la source de votre mésentente.
-Mmatokhora, sois tranquille. Avant ta naissance, nous étions ainsi. Ce n’est pas aujourd’hui que ta mère va changer. Je l’aime bien mais elle a un caractère impossible.
-Ce caractère impossible, tu l’as quand même supporté pendant plusieurs années sans rien dire ! Tu peux aujourd’hui parler de moi en ces termes.
-Excuse-moi, Diambéré Khoumba, notre fille veut devenir sage femme. Par delà la fonction, Mmatokhora doit avoir aussi un brin de sagesse pour être une bonne sage femme. Cette sagesse et toutes les vertus qu’elle aura à incarner doivent provenir de notre éducation. Sachons donc nous bien comporter devant nos enfants.
-C’est à moi de m’agenouiller pour te demander des excuses mon cher époux ! La femme, sans être esclave, doit vivre à l’ombre de son mari. Elle ne doit se placer ni devant, ni derrière son homme. Qu’elle se mette à sa droite pour que monsieur sente son cœur battre.
-Tu es formidable, Khoumba ! Je ne regrette pas de t’avoir épousée pour donner au Sénégal, une enfant si sage qui deviendra, j’en suis sûr, une sage femme sage. Prions pour que le Bon DIEU lui accorde longue vie en lui permettant de réaliser son rêve.
-Amen, Mocirédin. >>
Mmatokhora, très émue, essuie quelques larmes puis range ses livres pour aider sa mère dans la cuisine.
Idrissa Diarra, bakelinfo.com