A Saré Demba, le froid a commencé à bander son arc. La chaleur, frileuse, plie les rayons du soleil, surtout leur ardeur, pour se cacher un bon bout de temps.
Rien n’est parfait sur cette terre des hommes ! Sinon, pourquoi des vents de poussière viennent-ils enlaidir ce climat devenu clément pour les populations de Bakel ?
Diambéré Khoumba traverse une période bien heureuse de sa vie. Mocirédin n’en connait pas les raisons mais se complait dans cette situation.
<<- Que demande un homme au bon Dieu ?
- Avoir une bonne épouse
- La rendre heureuse
- Etre dans son foyer, dans un environnement merveilleux partagé avec ses proches !
Que me manque-t-il actuellement ? Ma Diambéré rayonne et éclaire mon environnement ; elle est magnifique, ma Khoumba !>>
Comme si Diambéré lisait dans les pensées de son époux, son Mocirédin à elle toute seule, elle chante en attisant le feu. Ses va-et-vient, loin de déplaire à son homme, au responsable de la famille, incitent Mocirédin à la suivre des yeux.
<<-Que veux-tu pour le déjeuner, mon mari ? Je n’ai quitté mon père et ma mère que pour toi, fils de Aissé Moussa, << Lagaré >>, le benjamin (en Soninké) !
Si j’étais griotte, je te chanterais afin que, même les oiseaux en plein vol dans le ciel bleu, comprennent que tu es celui que le bon DIEU a trié pour moi parmi tous les hommes du monde !
-Ma Diambéré, depuis ce fameux jour qui t’a placée sur mon chemin de retour des champs, je n’ai connu la paix que lorsque tes parents ont accepté ma demande en mariage ! Je plane de bonheur, Khoumba ! Tout ce que tu me présenteras comme déjeuner me plaira. Mais à propos de manger, je pense aux millions de tout petits dans les structures de la Petite Enfance qui ne mangent pas. J’ai surtout pitié du plus grand nombre de ces enfants qui n’ont pas encore la chance de fréquenter les écoles préscolaires.
-Mon mari, sais-tu que nous sommes dans la Semaine Nationale de la Petite Enfance ? Le thème : <<UNE NUTRITION ADEQUATE, UN INTRANT DE QUALITE POUR LEDEVELOPPEMENT DE LA PETITE ENFANCE>> colle bien avec tes inquiétudes. Ce matin, une caravane a sillonné les artères de la ville avec les enfants des écoles : Elisabeth Ndiaye, La Case des Tout Petits, El Hadj Thiondy Dramé et la Case Foyer. Des enseignantes et des parents d’élèves (surtout des femmes) ont accompagné en animant cette randonnée pédestre terminée à la préfecture avec la remise d’un plaidoyer à l’autorité. Il y avait aussi, en plus de l’Inspecteur de l’Education et de la Formation, d’autres chefs de services : le Développement Communautaire, l’Assainissement, l’Agriculture, l’Urbanisme.
-Etais-tu parmi les marcheuses pour connaître au mot-près tout ce qui s’est dit là-bas, Diambéré ?
-Non, Mocirédin, mais n’oublie pas que la fille de Fanta, mon amie Awa Fary sert à Elisabeth Ndiaye. Elle m’enseigne et me renseigne sur tout ce qui concerne l’école ! J’ai appris par elle que le Programme Alimentaire Mondiale (PAM) qui, à travers les cantines scolaires, permettait aux enfants d’avoir des repas à l’école, a arrêté son aide, sevrant des milliers d’enfants démunis de notre département.
- Le PAM ne peut et ne doit sevrer nos enfants ! Un enfant, plus et mieux qu’un adulte, a besoin d’une alimentation particulière. D’ailleurs, ne m’avais-tu pas raconté encore que ton amie Awa Fary avait dit que, c’est depuis la grossesse que nous devons penser à la nourriture de nos enfants. De cette période délicate jusqu’à l’âge de deux ans, nous devons savoir qu’une bonne nutrition permet à notre progéniture d’être saine, intelligente. Appelée FENETRE D’OPPORTUNITE par des connaisseurs, cette partie de la vie de nos enfants représente un moment important qui fera d’eux, demain, des hommes à tout point de vue.
- Que devons-nous alors faire, Mocirédin ?
-Simple comme pour dire bonjour ! Les parents d’élèves de chaque école étant organisés en CGE doivent, dès le début de l’année, de chaque année scolaire, se concerter sur la manière de<< suppléer >> le PAM. Faut-il que chacun apporte du riz, du mil, du haricot, de l’argent… ? C’est au CEG de le décider. Avec cet apport, les enfants seront bien pris en charge. Ils travailleront bien, car bon nombre d’entre eux partent à l’école sans rien dans le ventre.
-Au moins, ces enfants vont à l’école ! D’autres plus malheureux, non seulement n’étudient pas, mais pire, ne mangent qu’une fois par jour ! Il y a pourtant une solution, Diambéré.
- Laquelle, demande l’épouse ?
-Que proposes-tu, toi ?
-Raser les institutions budgétivores créées pour recaser les politiciens en mal de pouvoir, diminuer de moitié le nombre de députés, investir dans la Santé et l’Education (en recrutant des enseignants bien formés dans des Ecoles Normales, en construisant assez de salles de classes).
-Tu me surprends de jour en jour, ma Diambéré Khoumba ! Où trouves-tu le temps de te cultiver, de te renseigner sur l’actualité ? Tu ne sors jamais !
-Ah bon ! Ne vais-je pas au marché et dans les champs ? N’est-ce pas des << ECOLES >> d’excellence à apprentissage libre et démocratique ! Mocirédin, ne sous-estime pas la rue : c’est une FORCE TRANQUILLE !>>
Idrissa Diarra