
A l’aube de ce jour si particulier pour les femmes du monde, Diambéré Khoumba s’est levée plus tôt que d’habitude. Ce sont les chiens du quartier qui l’ont réveillée avant que les coqs ne prennent le relais. Aboiements et chants ont bizarrement continué jusqu’au lever du nouveau soleil.
Tandis que Mocirédin s’étirait encore sur la natte près des canaris, Diambéré s’approche à pas feutrés pour déposer à côté de lui, une calebasse dans laquelle il y a un billet « fatigué » de 500 francs.
<<-Je vais à la rencontre des femmes pour la fête du 8 Mars, dit calmement Diambéré Khoumba. Après le marché, tu cuisineras pour vous (les enfants et toi). Je ne rentrerai qu’après 17 heures. Tu entameras la préparation du dîner avant mon retour.
-Es-tu devenue subitement folle au cours de cette nuit, Khoumba pour me parler de la sorte? T’ai-je épousé pour que je fasse la cuisine à ta place ? Ton père, a-t-il une fois cuisiné pour ta mère ? Suis-je un maudit pour être le premier à faire ce travail déshonorant pour nous les hommes, s’énerve Mocirédin ? Et ta fille Mma Tokhora, ne sait-elle pas préparer, ne serait-ce que le déjeuner pour trois personnes ? Et puis, t’ai-je autorisée à participer à cette rencontre ?
-Mocirédin, nous sommes dans un autre monde, une autre époque. Aujourd’hui, c’est le 8 Mars, la Journée Internationale des femmes. A travers le monde, cette journée est célébrée pour nous permettre, nous les femmes, de rendre hommage à nos devancières qui se sont battues pour l’allègement de nos peines, faire le point sur les acquis, peser ce qui reste à réaliser et penser au futur, à l’avenir de la femme. Nous n’accepterons plus d’être confinées aux tâches ménagères pendant que vous les hommes, vous passez votre temps sous l’arbre à palabres à parler de choses sans importances. Mma Tokhora ne cuisinera pas aujourd’hui. Si elle ne va avec moi dans la caravane jusqu’à Bélé, à 15 km de Kidira, elle se reposera. Elle dormira et vous (ton fils et toi) vous occuperez d’elle. Sur les 365 jours de l’année, c’est le seul que nous avons. Alors, laisse-nous en profiter largement !
-Ce sont les intellectuelles, ces femmes paresseuses qui vous mettent ces idées saugrenues dans la tête. Au lieu de s’occuper de leur mari, elles passent tout leur temps à s’habiller comme des mannequins et à tricher les « Occidentales ». Nous n’avons pas le même monde Diambéré, la même éducation. Gardons les pieds sur terre. N’essayons pas de voler alors que nous n’avons pas d’ailes.
-Mon mari, mon cher époux, si un seul jour sur les trois cent soixante-cinq que compte une année t’apeure, cela signifie que tu as déjà compris la lourdeur de notre tâche ! Ne complique pas la situation et mets-toi au travail. Tu ne trouveras ce matin aucune femme au marché. Ce sont les hommes qui t’accueilleront à la place de leurs épouses. Avec les 500 francs que tu as l’habitude de me remettre pour toute la dépense journalière, tu sauras ce qu’ils représentent pour nourrir une famille quotidiennement.
-Pour ne pas continuer à discuter dans le vide, je te laisse partir participer aux festivités de cette journée, mais que Mma Tokhora fasse le travail à ta place, à la maison!
-Mon mari, il faut que tu essaies pour une fois de te conformer au goût du jour, à savoir accepter le « changement ». Il faut suivre les transformations qui surviennent contre notre volonté. Elles peuvent être bénéfiques à y réfléchir.
-Bénéfiques ou nuisibles, va et ne me casse pas les tympans avec tes balivernes !
-Merci mon mari. Notre combat est le vôtre. Tout ce que nous obtiendrons comme fruits de nos luttes reviendra à toute la famille. >>
Le mari de Diambéré Khoumba appelle son fils Taata pour aller acheter du lait caillé, du pain et du sucre. Un jour de galère n’a jamais tué personne. Demain est un autre jour.
Idrissa Diarra, bakelinfo.com