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La Voix du département de Bakel

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Il ne fait pourtant que 17 heures mais Mocirédin ne cesse de scruter le ciel à la recherche d'étoiles. Il sait que ces astres n'apparaissent que la nuit. Lui, Mocirédin a besoin de cette partie du temps pour réfléchir, se mieux concentrer sur certains pans, quelques aspects de sa vie, de son environnement, de l'actualité. Son ami Nouhoum, le fils du vieux Thiaka Diop lui dit souvent que la nuit porte conseil.

Il attend. Il attendra donc impatiemment, anxieusement la nuit pour se sortir d'ambarras, alléger son esprit, se détendre et retrouver sa sérénité.

17 heures! 19 heures! Le jour se retire petit à petit puis laisse la place à sa sœur, la nuit, belle avec ses étoiles et sa lune, majestueuse au-dessus de nos têtes. Sa lumière, sans nulle autre pareille au monde, illumine les villages et égaie le cœur des ruraux qui ne bénéficient pas encore d'électricité.

Les soirs de clair de lune, c'est la fête. Les tams-tams résonnent. Le sol vibre sous les pas lourds des danseurs nocturnes. Des nuits comme celle-là, elles se fêtent car elles créent l'unité entre les hommes d'une contrée. Des rencontres sportives ( lutte traditionnelle) sont organisées mettant en valeur le courage, la technique et l'amitié de notre jeunesse.

Le muezzin, de sa voix rendue forte par l'écho des haut-parleurs, appelle les fidèles pour la dernière prière du jour. Mocirédin termine ses ablutions, s'empare de son chapelet, met rapidement son bonnet gris sur la tête et se hâte vers la mosquée de son quartier << Guidinkhama >>.

Cette heure de prière a son importance pour les habitants de ce quartier. Elle leur permet de se retrouver après une journée de travail passée en ville, hors de << Guidinkhama >>, étant en majorité des commerçants, des maçons,des hommes à la recherche d'occupations.

La prière, une fois terminée, les échanges retiennent au seuil du lieu de culte les << Montagnards >>. Ils se parlent. Ils discutent comme savent le faire les Soninké, à haute voix, sur le tout et le rien. Ils rient et disparaissent dans les ruelles heureusement éclairées par la lune et les étoiles.

Mocirédin traîne. Il se donne le temps d'arriver tard à la maison, d'éviter Diambéré Khoumba, de s'isoler afin de s'adonner à son sport favori: la réflexion.

<<-Vas-tu dîner tout de suite ou attends-tu quelqu'un d'autre, lui dit son épouse au moment où Mocirédin s'apprêtait à s'asseoir sur son tapis de prière?

-Je mange maintenant, répond sèchement le mari.>>

La nuit s'étire. Les étoiles et la lune, dans un ciel brillant, dansent aux sons d'instruments de musique invisibles et inaudibles pour nous autres, êtres ordinaires.

Fatigué par les tracasseries et même les tracas de la journée, Mocirédin à peine étalé sur une natte, ronfle en se grattant si fort que les chats couchés près des canaris se réveillent et renversent dans leur fuite les bols et les calebasses.

Il dort, Mocirédin. Profondément. Les paroles de Nouhoum le Polytechnicien ont fait leur effet. A son réveil, c'est certain pense Mocirédin, il aura plein d'idées, conseillé croit-il, par les diables et les diablotins de la nuit.

En pleine nuit, Mocirédin se réveille en sursaut. Pourquoi se demande-t-il? Tout en sueur, il se débarbouille puis décide en fin de compte de faire des ablutions et prier.

<<-Ces élections sont vraiment particulières, avec leur lot impressionnant de candidats pour notre département. Au moins dix coalitions se battent pour nous représenter à l'Assemblée Nationale! A Bakel, si l'on nous permet, la situation peut être simplifiée. Je propose qu'au soir du 30 Juillet, les cinq premiers soient retenus. Puisque le mandat dure cinq ans, la première coalition nous représentera pendant un an. La deuxième prendra le relais et cela qu'importe les performances de la première. Ainsi de suite jusqu'à la fin de la durée des cinq ans. Ici à Bakel, pour la législature suivante de 2022, nous ne participerons pas au niveau national. Notre choix se portera sur la meilleure coalition de cette législature. Tant pis pour les coalitions qui se créeront entre temps. Après tout, c'est du pareil au même! Amadi ou Paté, Sokhna ou Fatou, Jean ou Paul, ils nous ont tous habitués à croire en eux. Au bout, c'est la déception, une amère désillusion. Les politiciens ne représentent personne! Du début à la fin, ils ne pensent qu'à leur intérêt, le premier étant leur élection. Le reste, ce n'est pas leur problème car les populations, en majorité analphabètes (même si elles ne sont pas bêtes) sont d'une naïveté insoupçonnée. A beau leur expliquer les choses les plus élémentaires comme les dessous de tables ou de grands boubous, rien n'y change. Elles demeurent fidèles à leur manière d'être: elles prennent l'argent (de 1000 à 5000F) et votent pour le mieux offrant. Puis, cinq ans durant, ces populations se mordront les doigts, regretteront, se lamenteront, pleureront même mais à la prochaine élection, le même scénario recommence. Les dessous de tables ou de grands boubous, les salutations ...masquées reprennent et << trompent >> encore les mêmes naïfs.

Après la prière de l'aube, j'irai voir Samba Founé, le crieur public, pour qu'avec son mégaphone, il fasse le tour de ville, en insistant sur mes principales idées. Cela ne changera rien mais j'aurai fait mon devoir de citoyen. DIEU est grand. >>

Mocirédin se couche en attendant l'appel du muezzin.

Idrissa Diarra, bakelinfo.com

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