Mocirédin a passé une bonne fête de Tabaski en famille. Diambéré Khoumba son épouse, leurs deux enfants et même quelques connaissances moins nanties que lui sont venues partager son bonheur de réjouir ses proches.
Durant toute la journée, Mocirédin a les yeux rivés sur la devanture de sa demeure. Il attend avec impatience un appel téléphonique de son ami Ndirissa Sidy qui vit aux Etats Unis.
Toutes ces nuits, Mocirédin a oublié les cauchemars qui troublaient son sommeil. Cette période est maintenant révolue, elle devient un souvenir : l’AID AL-ADHA (la fête du sacrifice) a été bien respectée. Grâce à DIEU, tout est rentré dans l’ordre !
Actuellement, ce sont des rêves merveilleux, aussi fabuleux que le métal de CIPANGO, cet archipel mystérieux qui murissait ce métal rare dans ses mines lointaines.
Lui, Mocirédin sait que son rêve quotidien ne sera pas brutal. Il croit dur comme fer qu’il se réalisera.
N’ayant pas de téléphone portable, il communique avec son ami grâce à l’appareil de Samba Amina, le président des paysans de Bakel.
Partout, dans le pays, que ce soit dans les champs, au bord du fleuve, dans les bureaux, les garages, les marchés et même dans les casernes, tout le monde s’accorde à l’imminence d’un remaniement ministériel.
Dans le rêve fou de Mocirédin, l’ancienne région du Sénégal Oriental (englobant Kédougou) se voit figurer avec trois de ses enfants parmi les << ministrables >> : Mady Cissokho pour Tambacounda, Mamba Guirassy pour Kédougou et Seydou dit Sédy Cissokho de Bakel, premier Secrétaire Général du PIT.
Tous les trois ne vivent plus. Mocirédin réinterroge ses génies facilitateurs de rêves qui lui ont servi, trois autres noms. Ses génies à lui, Mocirédin, n’ont pas la fiabilité des PANGOL Sérères mais ils existent dans son plus profond ! Il a entièrement confiance en eux. Ces trois noms représentent son secret qui ne sera dévoilé qu’à son ami Ndirissa Sidy.
Ses génies, au nombre de trois, sont arrivés, un à un, en pleine nuit, quand Diambéré Khoumba et les enfants dormaient profondément et que lui-même commençait à frôler le sommeil, à s’assoupir. Dans ce léger engourdissement, ils lui ont chuchoté à l’oreille une bonne information.
Samba Amina, le fils du vieux Bocar Kâ, tout juste après la prière de l’aube, lui tend son téléphone portable.
<<-C’est ton ami Ndirissa !
-Allo ! Ngnougo, comment vas-tu ? Je ne serai pas long aujourd’hui. Ecoute-moi bien ! La principale information, c’est que je vais te traduire mon rêve qui paraît fou mais bien réaliste et réalisable :
Le premier ministre, après avoir démissionné du Gouvernement, sera désormais au perchoir, perché, ou mieux, penché au-dessus de tous les parlementaires, les couvrant de son charisme, pour les diriger pendant la durée du mandat (5 ans).
A sa place, un fils de notre région, un enfant de Tambacounda, qui avait en charge la Justice représentera dignement le Sénégal Oriental. Il en a les compétences. Il remplira correctement son cahier des charges. Il a déjà l’habitude des grandes rencontres.
Pour Kédougou, il n’y a pas besoin d’aller chercher loin ! Ayant déjà occupé un portefeuille ministériel puis, plébiscité par les populations de chez lui lors des dernières législatives, Il (ce monsieur) prendra en charge la Communication (qu’il connaît bien). On lui ajoutera (SABODOLA oblige !) les Mines qu’il pourra bien gérer.
Enfin pour Bakel, Sédy Cissokho ne vivant plus, les génies ont choisi. Ils ont désigné à l’unanimité…….Mocirédin. Il sera le Ministre de la Ville de Bakel et de tous les villages Soninkés du Sénégal. On pourra même lui ajouter les Soninkés de la Diaspora. Belle occasion pour lui de sortir de son Bakel qu’il n’a jamais quitté !
-Mais tu es complètement fou à lier mon ami Mocirédin ! Comment veux-tu être Ministre de la République, toi qui n’as jamais été à l’école française ? Comment sera dirigé ton ministère ?
- Le plus naturellement du monde ! Les Conseillers servent à quoi, Ndirissa ? Je remplirai mon ministère de <<Grosses Têtes >>. Il n’en manque pas parmi les Soninkés, les Bakélois. Moi, je tournerai les pouces, je signerai les papiers en demandant à ces collaborateurs dignes de confiance de m’expliquer les contenus avant chaque signature. Et puis, mon ami, y a-t-il besoin de parler français ? Je suis Ministre de la Ville de Bakel et de tous les Soninkés du Sénégal. Je ne m’exprimerai qu’en Soninké, ma langue maternelle, celle de Mociré et d’Aissé Moussa. Comme au cours des grandes rencontres, des traducteurs professionnels Soninkés m’accompagneront. Sans aucun ethnicisme ! Dis-toi bien que j’ai déjà choisi mes dix collaborateurs. J’attends tout simplement le téléphone portable que tu m’as promis pour les appeler et faire une séance de travail avec eux :
Kader, Conseiller Technique chargé de réveiller l’Histoire du Sénégal, surtout de ma ville ;
Pape Mady, Conseiller Technique chargé de la Sécurité. Nous sommes dans une zone transfrontalière (Mali- Mauritanie).
Bakary Saly, Conseiller Technique chargé de l’Informatique et des Langues Nationales.
Samba Diarinté, pour la Justice et les Terres (problèmes domaniaux).
Yaya Samané pour les affaires extérieures.
Boulaye Samba, l’Africain à l’Education.
Aziz Aly s’occupera des Collectivités Locales.
Arouna Mamadou, le Somono s’occupera de la pêche sur le fleuve Sénégal.
Vieux Thiama, Chargé des relations avec l’Assemblée Nationale.
Moulaye Mariame Sinthiou à la Culture.
-Sincèrement, mon ami, je vais appeler Tapha Soukhouna pour qu’il te conduise à Manael, son village afin que les Koita (Grands Marabouts) te consultent. Tu commences vraiment à dérailler. Tu dois être lié avant qu’il ne soit trop tard !
-De toutes les manières, pour ma première sortie officielle, je pense aller aux Etats Unis, puisqu’il est possible qu’on ajoute la Diaspora à mon portefeuille. Les Soninkés étant de grands voyageurs devant l’Eternel, je m’en irai vérifier de mes propres yeux (pas ceux d’un conseiller, fut-il Yaya Samané), en Louisiane mais surtout au Texas, à Dallas et à Houston si mes compatriotes ne sont pas concernés par les dégâts causés par la Tempête Tropicale. A l’occasion, tu passeras dire bonjour, je l’espère, à ton ami de Ministre, petit Soninké !
- On ne peut pas te raisonner ! Rêve donc et à bientôt monsieur le Ministre. >>
Pour rêver, il faut bien dormir. Alors Mocirédin se couche, baille et commence déjà à ronfler.
Deux heures plus tard, il est secoué par son épouse.
<<-Lève-toi, Moussé Minissitiri. Je suis devenue Madamou Minissitiri. C’est la radio qui vient de l’annoncer !>>
Est-il toujours en train de rêver ou est-ce la réalité ? Rendez-vous est pris pour le vrai remaniement ministériel ! La vérité (la folie de Mocirédin ?) éclatera au grand jour !
Idrissa Diarra
