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La Voix du département de Bakel

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La prière de l’aube à peine terminée, Mocirédin se lève péniblement de la natte sur laquelle il se trouvait tout à l’heure, dans la petite mosquée de son quartier Montagne Centrale pour marcher à pas lents vers son domicile.

Les mains derrière le dos, le mari de Diambéré Khoumba égrène son chapelet, laissant échapper de temps en temps quelques versets du saint CORAN. Il fait un peu frais après les fortes pluies de ces trois derniers jours qui inquiètent maintenant les populations : la côte d’alerte sur le fleuve Sénégal est presque atteinte, à 10,54 m. Les « pauvres », toujours eux, avaient construit des habitats de fortune, à la hauteur de leurs moyens, et pour quelques rares nantis, des maisons en dur sur le passage des eaux en saison des pluies. Tous ne dorment plus, scrutant le ciel et épiant les bornes sur le fleuve Sénégal.

 

Les rues de la ville et même certaines places du village sont sous les eaux. Les déplacements deviennent impossibles. Les activités sont au ralenti.

Le lundi 26 Août 2019, ce fameux anniversaire (à un jour- près de la marche de l’année dernière) contesté par certains, attendu avec beaucoup d’impatience par d’autres, est arrivé avec aujourd’hui beaucoup de commentaires.

Bakel a marché comme un soldat, sous la pluie, piétinant la boue, pataugeant dans l’eau, mouillé durant plus de trois tours d’horloge. Tout le Département de Bakel a marché. Il a manifesté son refus d’être oublié. Il a crié à travers les artères de la ville son manque de considération par les Autorités et plus grave encore par ses propres enfants. Le Département de Bakel est sorti (hommes, femmes, enfants) trempé jusqu’aux os, avec des banderoles et des pancartes expliquant sa colère, en chantant gaiement : « TOUT VA MAL A BAKEL ! ».

Le Département de Bakel a tenu à exprimer son mécontentement face à la difficile situation des infrastructures de la localité, du manque d’enseignants, des coupures intempestives d’électricité de la SENELEC, de la qualité de l’eau impropre à la consommation distribuée par la SDE, du manque de matériels et d’agents dans les structures de santé... Le Département, c’est le Gadiaga avec ses deux Goyes, c’est aussi le Ferlo et le Boundou avec l’appui du Fouta, du Guidimakha et du Département de Goudiry bien représenté au cours de cette journée mémorable par une forte délégation.

<<-Diambéré Khoumba, dépêche-toi de servir mon « Baawouya ». Je vais voir mon champ de mil. Notre voisin le vieux Mama Sankharé m’a dit que nous sommes envahis par les eaux, tous nos champs de Falo Boula à Kounghany sont inondés, des villages entiers se retrouvent dans l’eau. Le monde est vraiment bizarre : quand il ne pleut pas, les hommes se lamentent et implorent ALLAH par des prières dans les mosquées. Dès que les vannes s’ouvrent à l’excès, les mêmes hommes pleurent et retendent les mains pour d’autres doléances de clémence.

-Que veux-tu, Mocirédin ? C’est pourquoi, ta mère, la vieille Aissé Moussa ne cessait de me rappeler que tout excès est nuisible ! Je comprends bien maintenant le sens de ses paroles. Amadou Hampathé Bâ, le sage de Bandiagara nous enseignait qu’en Afrique, un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle. Je ne sais pas si cette vérité est vérifiée sur les autres continents mais chez nous, les personnes âgées sont toujours regrettées pour leur apport indiscutable dans la société, après leur mort. Plus près de nous, sur la Montagne Centrale, le vieux Mamadou Boughary aimait, de son vivant, insister sur l’HUMILITE, une qualité en or, une vertu peu fréquente. L’HUMILITE est une qualité qui s’oppose à l’orgueil, la suffisance, l’égocentrisme, l’arrogance, le narcissisme. Etre humble, c’est se connaître, se comparer d’abord à soi-même, passer à la loupe ses forces et ses faiblesses, ses qualités et ses défauts puis se mesurer aux autres. Etre humble, c’est aussi être modeste, considérer les AUTRES autant, sinon mieux que soi-même.

-Depuis quand mon épouse est devenue si…. Philosophe, dit en riant Mocirédin. Les difficultés transforment l’homme ! Elles assagissent l’être pour le rendre plus humain, proche de son prochain. Autant que les fruits, l’homme mûrit et devient la convoitise des autres et même des animaux. Sans modestie, sans humilité, il se considérera au-dessus de tous, oubliant son passé pourtant pas si lointain. Diambéré Khoumba, laisse-moi répondre à ma nièce Goundouma qui m’appelle de France. Je vais lui narrer les événements de la journée du 26 Août.

-D’accord mon mari, répond Diambéré Khoumba. Ton « Baawouya » est là. Tu peux manger. Les enfants préfèrent attendre la bouillie de maïs.

-Allo Goundouma ! Tu as dû apprendre à travers les médias la GRANDE MARCHE CITOYENNE du lundi 26 Août à Bakel. Des centaines de personnes ont répondu à l’appel des organisateurs de la GMC. Le Coordinateur Boubacar Diakhité et les populations venues d’un peu partout, peuvent remercier le BON DIEU, d’avoir permis le déroulement « normal » de cet événement sous la pluie, encadrée par la Gendarmerie. De la Place de l’Indépendance, en passant devant la Mairie, la Grande Mosquée de Modincané, le rond-point de Yaguiné, le Bureau de Poste, la Sonatel, bifurquant à gauche pour emprunter la route pleine d’eau devant le garage « Niokolo », la Pharmacie du Goye, le Crédit Mutuel, le marché aux légumes, la Poste-Finances et enfin la Préfecture où les attendait l’Adjoint au Préfet du Département monsieur Cheikh Mbacké Thiam, les marcheurs ont apprécié l’accueil de l’Administrateur.

Malgré la pluie et l’état des routes, Coly Bathily porte-parole des Chefs de villages, les représentants des villages proches ou lointains : des deux Goyes, du Ferlo, du Boundou, du Hayré (Fouta), du Guidimakha (en Mauritanie) jusqu’à Goudiry, les Marcheurs ont savouré leur première « VICTOIRE » avec la remise de leur « Cahier de Doléances » au Représentant de l’Etat, en la personne de l’Adjoint au Préfet. Tout est bien qui finit bien, dit-on souvent, même si c’est aux cris de « TOUT VA MAL A BAKEL » que le Coordinateur et les membres du bureau de la GMC, tout fiers d’avoir réussi l’organisation ont remercié les populations.

-Bien que je sois hors de Bakel, dit Goundouma au bout du fil, je suis fière d’être Bakéloise, heureuse que mes compatriotes aient eu le courage de manifester, de montrer au monde la situation de chez nous. Un pays sans opposition vit dans la DICTATURE. La DEMOCRATIE par contre permet aux citoyens de s’exprimer librement. Bakel a marché et librement a extériorisé son mécontentement à travers les artères de la capitale du Gadiaga. Vive le Sénégal de SEYDOU CISSOKHO, Bakélois bon teint, premier Secrétaire Général du PIT/SENEGAL, de CHEIKH ANTA DIOP, de MAJMOUTH DIOP, d’AMATH DANSOKHO.

-Ma nièce, où que vous soyez, pensez à Saré Demba, n’oubliez jamais Bakel, votre ville natale. Elle compte avant tout sur ses enfants. Aimez-la, soutenez-la. Vous ne le regretterez jamais.>>

Idrissa Diarra, bakelinfo.com

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