
En plein jour ou au beau milieu de la nuit, si vous vous hasardez à demander à Mocirédin ce qu’il pense de la politique, il vous répondra sèchement. Sans arrière-pensée, il vous dira ce qui se cache au fond de son âme. Il n’a ni peur ni honte d’exprimer ses idées. Il vous les lancera crûment sur la figure, sans aucun regret et ne se souciera jamais de votre position sociale, oubliant déjà à l’entame de ses propos le genre d’interlocuteur qu’il a en face de lui.
Mocirédin est un homme à part ! Sa situation « d’illettré » ne l’encombre point du tout ! Au contraire, il se dit tout permis car « ne connaissant » rien dans la marche normale du monde.
Les longs coassements intempestifs des grenouilles, chants presque lugubres, dans cette sombre nuit de saison des pluies, n’empêchent pas Mocirédin de remuer la tête et de se remémorer l’héritage légué par ses ancêtres. La dernière pluie, celle d’hier, a été tellement forte puisqu’elle était accompagnée d’un vent violent qui a occasionné le chavirement d’une frêle embarcation sur le fleuve Sénégal. Elle transportait des jeunes se rendant à Diaguily, un village Mauritanien, face à Kounghany pour animer une cérémonie de mariage. Aux dernières nouvelles, alarmantes, le piroguier (de Diaguily) et un jeune de Bakel selon les bruits qui courent, seraient les deux survivants sur les cinq passagers. Les corps des trois autres victimes sont recherchés par les hommes du Lieutenant El Hadj Malick Diop de la Caserne des Sapeurs-pompiers de Bakel.
Le temps est doux. Il est simplement perturbé par les coups brusques que se donne Mocirédin avec son éventail pour chasser ou tuer les moustiques.
Le petit poste radio bien placé à sa gauche lui permet d’écouter les informations en Soninké de la radio communautaire JIIDA FM, avec la voix au timbre particulier de l’inimitable Hamidou Goundiam.
Ce soir, l’on a parlé des inscriptions sur les listes électorales. Or, les élections, comme le dirait l’autre, c’est une affaire de PARTIS POLITIQUES ! Et qui touche ces associations d’un genre spécial montre du doigt les hommes et les femmes chargés de les animer : les POLITICIENS.
Cette nouvelle race d’infatigables chercheurs de pouvoirs, en majorité, comme Mocirédin, c’est-à-dire, illettrés, n’ayant que des objectifs jamais avoués
publiquement, ont toujours le sourire aux lèvres. Toujours courtois, d’un abord facile, ils vous empoisonnent avec leurs flèches gardées dans leur gibecière. Ils ne craignent rien, tellement ils savent qu’en face d’eux, ils ne seront « découverts » que plus tard, plusieurs années après leur élection. Et durant cette longue galère pour les pauvres populations, ils feront la pluie et le beau temps.
Pourtant l’animateur de radio l’a rappelé :
Un Parti politique se fonde sur un programme, une ligne d’action et éventuellement une idéologie. Dans sa vocation, tout Parti politique s’assigne comme tâche de recueillir les suffrages des électeurs en vue de CONQUERIR LE POUVOIR. Les Partis politiques participent à l’institutionnalisation démocratique du pouvoir politique.
La Coalition de partis politiques, elle, regroupe des forces politiques, des partis politiques et parfois même des mouvements politiques en vue d’atteindre un objectif précis. Elle peut être définie comme une entité organisée légalement constituée et regroupant plusieurs partis politiques et qui cherche à concourir à l’expression du suffrage à travers la participation à la compétition électorale, à influencer les processus politiques dans le sens favorable à ses intérêts, sans pour autant avoir la personnalité juridique.
Ce qui étonne Mocirédin, ce qu’il ne comprend pas, c’est pourquoi après avoir mis en place un parti politique en vue de la conquête du pouvoir, on voudrait que les autres ayant les mêmes objectifs viennent vous retrouver pour former une coalition ! Autant dissoudre ceux qui rejoindront le « grand » parti pour non-respect de la parole donnée et de l’objectif assigné aux partis politiques. Tout parti politique ne participant pas à la conquête du suffrage des électeurs doit être dissout. Une régulation naturelle de la vie politique se fera d’elle-même.
Après les élections, l’on peut accepter une coalition de partis légalement constitués et ayant participé aux différentes joutes électorales, de se regrouper pour défendre ensemble un nouveau programme discuté entre partis. Lors des futures élections, les coalitions doivent disparaître pour que chaque parti politique reporte son manteau d’organisation, d’association en vue de chercher les voix des populations.
Ce sera, l’occasion d’enterrer pour toujours les partis-satellites créés sur un coup de tête parce qu’on ne s’entend plus avec tel ou tel leader, ou tout simplement dans l’intention de profiter des avantages promis aux chefs de partis ! Pour seize
millions d’habitants au Sénégal, avec moins de six millions d’électeurs, est-ce sensé d’avoir plus de trois-cents partis politiques ? Les médias sont, de nos jours, très développés et nous permettent de suivre à la seconde-près ce qui se passe à travers le monde ! Combien de partis politiques a-t-on aux Etats Unis d’Amérique, en France, en Allemagne… ?
Au Sénégal, pour un rien, on se sépare : la tolérance ne fait pas partie de nos habitudes. Alors que c’est au sein des partis politiques qu’on doit créer la culture de la contradiction, de la démocratie. C’est le contraire qu’on y voit. Chaque militant, de première ou de dernière heure, se considère comme indispensable. A la moindre incompréhension, il crée son mouvement qui va plus tard se transformer en parti politique. Les syndicalistes jouent le même jeu ! Où irons-nous donc avec cette pléthore de partis politiques, de coalitions de partis politiques, de syndicats, de confédérations syndicales si nous ne parvenons pas à discuter à l’intérieur de ces organisations, pour ensemble trouver une solution ?
Les politiciens doivent aller vers des Assises politiques afin de maintenir quatre courants politiques. Cela les obligera à se regrouper pour former, non pas des coalitions de partis politiques mais des PARTIS POLITIQUES FORTS capables de drainer des foules, d’avoir des leaders charismatiques, une idéologie, une ligne directrice qui ne permettra plus certaines déviations.
La politique n’est pas un terrain de jeu, une arène où s’affrontent des toréadors face à des taureaux surexcités. La politique demande un engagement personnel, un sacrifice de la part de ceux qui se battent pour le développement de leur terroir, d’une manière désintéressée. Le pays n’appartient pas aux politiciens. Les populations doivent désormais se réveiller et savoir pour qui voter !
Idrissa Diarra bakelinfo.com