
Les pluies sont tombées et continuent d’agir sur la nature par leur effet néfaste pour certains, bienfaiteur pour d’autres.
La pauvreté s’installe ; après avoir « tout » essayé, les populations se sacrifient maintenant dans des embarcations de fortune à la recherche d’une fortune invisible, inaccessible, une illusion, un eldorado, un rêve évitable qui peut être résolu sur place ! Leur leitmotiv reste, car renouvelé, sans cesse depuis une dizaine d’années : « BARCA ou BARSAX », aller en Espagne (Europe) pour revenir les poches pleines d’Euros ou mourir dans les eaux froides de la Méditerranée, de l’Océan Atlantique ou sur les sables chauds du Sahara !
La pandémie de la COVID-19 hante, elle aussi, tous les esprits : hommes et femmes, jeunes et vieux implorent la miséricorde du bon DIEU afin qu’IL l’éradique de la surface de la terre.
Mocirédin revient lentement de son champ de maïs, inondé durant plusieurs jours, sans espoir d’une assez bonne récolte. Il ne se presse plus ! Pourquoi se fatiguer désormais dans ce monde de méchants, sur cette terre normalement de solidarité et de partage mais transformée en un lieu de profit personnel, d’intérêt individuel, d’égoïsme, de haine ? Diambéré Khoumba accueille son époux avec le sourire, lui tend un pot d’eau et comme à son habitude, fait une génuflexion pendant que Mocirédin boit doucement en jetant un coup d’œil plein d’admiration et surtout d’amour sur sa femme.
L’homme rejoint ensuite sa natte de prière placée près des canaris et demande tout de suite à Taata son fils de penser aux « trois normaux », c’est-à-dire le thé qu’il prend juste après le déjeuner puisqu’il doit aller chez Ndiogou Diallo à la Poste retirer un mandat que lui a envoyé sa nièce Fanta Aminta.
<<-Mais papa, de quel mandat parles-tu, intervient Mma Tokhora, la fille aînée du couple ?
-Mandat ? Il s’agit de l’argent que m’a envoyé ta cousine Fanta de la France depuis hier, répond Mocirédin.
-Je croyais que tu parlais de l’autre « mandat » à l’ordre du jour en Afrique avec des élections ou des volontés de se présenter pour un troisième mandat « illégal » ! Notre Professeur d’Education Civique nous a expliqué que le premier sens que peut avoir ce mot, c’est le pouvoir qu’une personne donne à une autre d’agir en son nom, une procuration. Pour le second sens, le mandat est aussi une mission que les citoyens confient à certains d’entre eux
par voie élective d’exercer en leur nom le pouvoir politique. Pour moi, dans cette période trouble électorale en Afrique Occidentale, mon esprit ne pouvait se poser que sur celui-là !
-Pour moi, ma fille, un mandat, s’il ne me rapporte pas de l’argent, ajoute Mocirédin, je l’appelle autrement ; il ne m’intéresse pas. Le mandat dont tu fais allusion est l’affaire des politiciens, des hommes qui cherchent nos voix pour se tracer une voie dans la vie. Ne les intéressent que nos bulletins de vote ! Ils leur permettent d’officialiser leur titre, d’être protégés par leur « manteau » d’élus et pour certains de profiter de cette situation pour s’enrichir et tourner le dos aux malheureux électeurs. Pourquoi donc voter ?
-C’est un devoir, papa, répond Mma Tokhora ! Un devoir civique que chaque citoyen doit accomplir ! Ce qu’il faut, c’est sensibiliser les populations afin qu’elles fassent un bon choix en âme et conscience, éviter d’être corrompus, être dignes !
-Mma Tokhora, ma fille, un devoir, le devoir n’est pas et ne doit pas être unilatéral ! Si le citoyen lambda, au prix d’énormes efforts, accomplit le sien, il faut qu’en face, le politicien aussi fasse de même en répondant aux attentes de celui qui a placé en lui toute sa confiance. A mon âge, avec tout ce que j’ai vu et entendu durant toutes ces années, tout ce temps que j’ai vécu, qu’on me parle de deuxième, troisième, quatrième, cinquième ou même de sixième mandat, ce ne sont que les politiciens, seuls, qui bénéficient des retombées de ces mandats ! En Afrique, et c’est dommage pour les enfants d’ataviques et fiers guerriers dans les savanes ancestrales, pour les fils d’anciens Combattants, de ne pas conserver la bravoure des aïeux, leur honnêteté, leur respect de la parole donnée, leur engagement citoyen. Ma fille, tu es encore jeune. Je souhaite que tu vives plus longtemps que moi en assistant et en participant même à la disparition des tensions en Afrique. Que le troisième mandat, dans l’esprit comme dans la pratique de nos dirigeants ne soit plus qu’un lointain souvenir !
-Papa, notre Professeur d’Education Civique nous disait un jour : « chers enfants, vous êtes les adultes de demain, l’avenir de la nation, les espoirs de notre peuple. Soyez forts. Imitez, copiez vos devanciers mais ne retenez que ce qui est bon pour la collectivité, la communauté. Tout ce que vous amasserez comme biens (maisons, argent, matériels…) sur cette terre restera après vous sur cette terre, dilapidée ensuite par des gens que vous ne connaissiez même pas ! Ce que la postérité retiendra de vous, ce sont vos faits, c’est en fin de compte votre nom ! »
-Il a parfaitement raison, votre Professeur ! Dans la tombe (individuelle), vous serez seuls ! Rien ne vous accompagnera : Président de la République, grande commerçante, médecin, paysan, enseignante, déficient mental, pauvre hère, vous êtes tous égaux devant la mort ! Que nos dirigeants comprennent qu’un candidat malheureux à l’élection présentielle ou un Président ayant fait un, deux, trois, quatre, cinq mandats, face à la mort, ils sont tous pareils.
Les honneurs et les prières ? C’est avant d’entrer dans la tombe ! Dans la demeure, la dernière, c’est l’égalité face aux Envoyés de DIEU ! Où sont les Présidents Léopold Sédar Senghor, Modibo Keita, Patrice Emery Lumumba, Mouammar Kadhafi, Thomas Sankara, Jean-Bedel Bokassa, Sékou Touré, Daouda Diawara, Amani Diori, Oumar Bongo, Mobutu Sesé Seko, Idi Amine Dada, Amilcar Cabral, Houphouët Boigny, Moussa Traoré… ? Où sont-ils ? Où sont-ils, ma fille ? Pas dans un palais ! Ils sont sous la terre ! Tôt ou tard, nous les y rejoindrons !
-Que les populations soient alors vigilantes et ouvrent bien leurs yeux et leurs oreilles ! Qu’elles choisissent correctement leurs représentants ! Un mandat de huit ans ou deux de cinq ans non renouvelables, à nous de choisir ! Ces deux options peuvent permettre de travailler, d’apporter sa pierre pour l’édification d’un Sénégal nouveau, d’une Afrique nouvelle, sans effusion de sang, sans animosité, démocratiquement ! >>
Idrissa Diarra