
Les écoles, ces lieux de formation par excellence, ont perdu leur splendeur d’antan, leur envergure, leur rôle d’apprentissage des bonnes habitudes. L’Ecole, avec un « E » majuscule, celle pouvant englober la famille (cellule de base de la société), l’école formelle et la dernière, la plus libérale, la plus dangereuse, celle de la rue, ne comprend plus elle-même ce qui lui arrive.
Au fur et à mesure qu’elle (l’école formelle) traverse des décennies, elle enregistre des situations impossibles à admettre pour une personne normale, sensée, capable de discerner le bien du mal.
Est-ce dû à la prolifération des médias d’une manière exponentielle pour que les faits jadis rares et « invisibles » soient étalés au grand jour ?
Depuis quelques années, notre école publique, autrefois réservoir des meilleurs élèves, est devenue un dépotoir d’où partent régulièrement des senteurs nauséabondes qui irritent tous les esprits et font fuir les moins pauvres vers des établissements privés laïcs ou catholiques, franco-arabes ou arabes. Et pourtant les enseignants des écoles publiques sont, relativement, mieux formés que les autres et mieux payés qu’eux.
D’où vient alors cette déconfiture du système éducatif après plus d’un siècle d’existence au Sénégal ? A voir les anciens de la vieille école, à comparer leur niveau avec celui de nos élèves d’aujourd’hui et d’un « hier » pas très lointain, l’on se demande ce qui se passe, ce qui est fait, ce qui a causé ce désastre !
Il n’est pas rare de nos jours de voir des scènes tantôt burlesques, tantôt sadiques ou d’entendre des histoires tellement invraisemblables, à la limite, saugrenues, que l’on se poserait des questions pour savoir leurs sources.
Des élèves ignorent le Directeur, le Principal ou le Proviseur à plus forte raison leurs maîtres, leurs professeurs ou leurs surveillants et exigent des pourparlers directement avec le Ministre, s’ils ne le « sautent » pas pour aller voir le Chef de l’Etat lui-même! Ils n’hésitent plus à insulter ou même à battre un enseignant. Le respect normalement dû à l’aîné, au maître, au professeur, à l’enseignant, d’une manière générale, est enterré dans des fosses plus profondes que les puits du Ferlo aride.
A l’époque, les trois écoles citées plus haut, à savoir la famille, l’école formelle et la rue, chacune avait un rôle, le sien, qu’elle s’évertuait à jouer correctement. C’est ainsi que, « éduqué » à la maison, l’enfant s’engageait à montrer aux autres, en dehors du cocon familial, ce qu’il est, c’est-à-dire le « boubou éducationnel » qu’on lui a taillé à l’intérieur et qu’il doit entretenir, ne pas « salir », dans n’importe quel endroit où il se trouvera ! Gare à lui s’il commet une bêtise hors de la maison ! N’importe quel adulte de passage (pas forcément de la même famille) est chargé de le rectifier, le corriger, sans rendre compte à ses parents. Cela limitait un peu les animosités dans la rue car la peur d’être sévèrement corrigé par un passant adulte diminuait les ardeurs belliqueuses.
A l’école formelle comme dans les Daaras, l’enseignant, en maître incontesté, en détenteur du savoir, corrigeait avec une chicotte, un bâton. Le châtiment corporel n’était pas interdit ! Combien d’élèves sont rentrés avec des blessures dus aux coups du maître sans oser les montrer aux parents ? Les « par quatre », les « à genoux », les « pompes », les gifles…Que de pénibles souvenirs inoubliables !
Chaque année, désormais les élèves créent des astuces pour tricher, dignes de véritables diables ! Rien que pour cette année 2021, au Baccalauréat, un jeune homme s’est déguisé en jeune fille pour composer à la place de son amie à Diourbel ; une lycéenne a aussi composé aussi en lieu et place de sa tante à Tambacounda, sans compter les quinze candidats de Pikine-Guédiawaye pris la main dans le sac, utilisant leur téléphone dans un centre d’examen. L’Office du Bac renseigne que pour cette année seulement, 108 candidats ont été exclus de l’examen pour avoir triché, malgré les injonctions, les mesures et le dispositif sécuritaire mis en place. Quelle ampleur, quel développement de la tricherie, de la fraude, du vol dans nos établissements créés pour nous fournir des citoyens consciencieux, honnêtes, imbus des valeurs fondamentales de notre société. Ecrire dans des chaussures, dans des masques de protection, sur du papier collé sur les cuisses… que de systèmes frauduleux pour tricher ! Quelle honte pour notre pays !
Les sénégalais gardent encore en mémoire la reprise de certaines épreuves au Baccalauréat comme au Brevet de Fin d’Etudes Moyennes pour cause de fuites !
L’école sénégalaise d’aujourd’hui, après toutes les Assises, tous les séminaires et toutes les rencontres sur l’Education, doit faire la synthèse des excellents documents issus de ces longues et harassantes journées de travail puis les appliquer dans les classes. Elle doit obliger les acteurs (Etat, parents à travers les
CGE, enseignants et les élèves eux-mêmes) qui tournent autour d’elle à s’impliquer davantage dans la formation de ces enfants, futurs dirigeants de notre pays.
Que les leçons de morale, d’éducation civique ou sanitaire soient placées maintenant dans « vivre ensemble, vivre dans son milieu » ne doivent changer en rien une bonne installation des comportements citoyens chez nos enfants. Pour ce changement tant souhaité, l’enseignant a un rôle important à y jouer. Il doit lui-même être quelqu’un d’équilibré, engagé et bien formé pour véhiculer ces vertus cardinales transformatrices du sénégalais que nous voulons obtenir.
Idrissa Diarra bakelinfo.com