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La Voix du département de Bakel

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Bakeliiii

Décidément, l’école commence à prendre une place importante dans la vie de Mocirédin !
Après la prière du matin, ses pas le conduisent instinctivement à Guidimpallé. Il s’arrête à chaque fois devant la première école du village créée il y a bien longtemps, avant sa naissance, en 1902. Cela fait 114 ans !
Il s’imagine un peu le nombre d’enseignants : (Lamine Guèye, Mawade Wade,  Tall Mory, Doudou Dieng, Watta Ndry, Diaman Bathily, Mamadou Waly Ndiaye, Bocar Cissokho, Sindiké Kanté, Oumar Diarra dit Simbiry, Mamadou Niang…)mais surtout d’enfants : (Seydou  Cissokho,Yaya Konaté, Cheikh Abdou Khadre Cissokho, Kader et son frère Aziz Tandia,Ousmane et son frère Mamadou dit Mama Ndiaye, Aminata Diallo, Mamadou Diallo Dangala,Samba Diarinté Traoré,Adama Diarra dit Ndiaye Sour,Ibrahima Diallo dit Demba Ka, Birama Diabé Bathily, Gourang Traoré,Boubacar Sidi Sakho…) qui ont eu la chance d’y entrer, d’y étudier et d’y ressortir nantis de savoir, de savoir-faire, de savoir-être et même de savoir-avoir !

 


Son fils aîné Ndiayi et son unique fille Mariamou ont heureusement fréquenté cette prestigieuse école. Lui, Mocirédin n’a pas voulu être pris au piège de l’ignorance ! N’ayant pas étudié, tous ses  enfants étudieront ! C’est une règle, sa loi. Il sera intransigeant sur ce principe !
Les ombres de la nuit couvrent encore la terre même si les premières lueurs du jour commencent à blanchir l’horizon, du côté de Gouraye.


Mocirédin se dirige vers Tagandatté ; derrière les jardins (actuellement délaissés de Magatte Guèye,Alassane Tamboura et Bocar Ka par leurs descendants )se trouve un cimetière, la dernière demeure, le village silencieux qui reçoit les morts , tous les morts sans distinction de sexe, de couleur, de caste, de taille !Il y entre et se rend tout naturellement vers les tombes de ses parents ; Il s’agenouille, prie, laisse involontairement tomber quelques larmes puis ressort avec ces mêmes mots qu’il chantonne :<<ALLAH ! ALLAH ! ALLAH ! >>.
Sur le chemin du retour, il entre dans la Mosquée de Guidimpallé ,y fait ses ablutions et prie deux <<rakas>>.
Son esprit commence encore et encore à errer dans l’espace et dans le temps. Il constate que malgré son âge relativement jeune, lui Mocirédin fait partie des plus vieux du village ! C’est bizarre !


Où sont donc les Vieux Boulaye Loly, Fily Sabou,Sina, Mamadou Bougou, Kaba Diarra, Moussa Diaba,Mociré, Killé Kanté,Bakary Doumbé,Mamadou Bougary, Sidi  Cissokho , Ali Diébakhaté, Mamadou Boulaye, Mamadou Sakho ,Mamadou Djidou, Aziz Tamboura, Mody Bakary, Malalou Diakhité..?
Qui se rappellent encore les Vieilles  Aissé Moussa,Hawa Diébakhaté,Hawa Ngoné, Dougharé, Bilo, Rokhaya, Khoumba Méta, Sipa, Dimé, Bantandiang, Moussou Sakho, Dado Niéléba, Racky Ngaido, Fatouma Ndiawara, Malaou Nianghané,Astou Mociré…. ?
Pour ces hommes et ces femmes  et pour tous ceux qu’on n’a pas pu citer,  prions pour  qu’ils reposent en paix et que Le Bon DIEU les accueille dans Son PARADIS ! Amen !


Mocirédin pense aussitôt à ses nièces qui sont en Europe : Fanta et Aissé, les filles d’Aminata et Dado Maimouna. Elles vivent à l’Européenne, élèvent leurs enfants à l’Européenne ! La famille a perdu sa valeur ! Ce n’est plus comme autrefois en Afrique, au Sénégal, en milieu Soninké. La famille n’est plus la cellule de base, le fondement de notre société, de la société.


Dans nos maisons, les générations se côtoyaient : les grands-parents, les parents, les enfants. Une relation intergénérationnelle pleine d’enseignements unissait les différents segments de la famille Soninké .Cette éducation était << invisiblement >> graduée : quand grand-père était présent, il n’y avait  plus un autre << chef >>. Le respect, le droit d’aînesse, le culte du travail (bien fait), l’amour du prochain, l’entraide, la sincérité, tout cela s’étudiait à travers les contes, cérémonies qu’organisaient les grands-parents les nuits de clair de lune. C’étaient des ECOLES.
A l’occasion, l’attention des enfants était sollicitée. Ces contes jouaient plusieurs rôles :


1-Rassembler la famille ;
2-Enseigner aux plus petits des vertus, des valeurs, des leçons de morale capables de les transformer, de faire d’eux des personnes justes, serviables, utiles pour leur société.
3-Inviter les autres familles qui n’avaient pas d’<<anciens >> à venir suivre la veillée et partager la tradition.
4-Créer l’endurance : les enfants intéressés par ces contes écoutaient et ne dormaient pas,car même de la case de l’homme,les grands-parents en parler pour doper les enfants qui n’étaient pas encore circoncis !


La famille était tellement bien structurée que chacun connaissait sa place ! Aucun enfant n’osait se comporter n’importe comment dans la rue comme à la maison de peur d’avoir des fessées auxquelles il se souviendra toute sa  vie durant !
C’est ce qui explique aussi pourquoi la <<Vieille Garde >> est toujours conservée dans les familles, nos familles dites traditionnelles.
Un grand Monsieur, Amadou  Hampaté Bâ,le Sage  de Bandiagara (du monde), ne disait-il pas : << un vieillard qui meurt est une bibliothèque qui brûle ? >>
Cette phrase résume l’importance des personnes âgées en Afrique, au Sénégal, en milieu Soninké ! Elle explique aussi pourquoi, contrairement à d’autres peuples, nous ne penserons jamais placer ces << bibliothèques  >> dans des  Maisons de Retraite .
Mocirédin pense encore à ses nièces et à leurs enfants. Il  se dit :<< le monde a changé, il a changé et nous a transformés ; même ici à Bakel ,rares sont ceux qui regardent encore le ciel la nuit, à la recherche de la lune et des étoiles qui continuent pourtant d’éclairer nos villes et nos villages malgré l’électricité. >>


En chantant << ALLAH ! ALLAH ! ALLAH ! >> , Mocirédin disparait dans les  ruelles pierreuses de son quartier en priant que le SEIGNEUR nous ramène sur les voies , les bonnes, celles qui conduisent au PARADIS.


Idrissa Diarra, www.bakelinfo.com

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