
La « grande » Diambéré Khoumba, bien qu’elle soit la dernière à se coucher, se réveille toujours très tôt, avant le premier chant des coqs de son quartier Montagne Centrale.
Pendant qu’il fait ses ablutions pour la prière de l’aube, Mocirédin regarde davantage son épouse et s’oblige certaines réflexions qui taraudent son esprit depuis quelques temps.
<<-Comment un être humain peut-il être en activité, tous les jours, du lundi au dimanche, de 5 heures du matin à minuit, sans jamais grogner pour montrer son mécontentement, sa désapprobation sur les multiples « injustices » de sa vie de femme ? Comment est-ce pensable ?
Avec les premières lueurs de l’aube, Mocirédin dévisage son épouse, Diambéré Khoumba dans ce début du jour. Il n’est cependant pas surpris que sa chère femme reste toujours belle et radieuse même si elle ne s’attarde pas durant des heures devant un miroir pour se faire un brin de beauté comme les dames des cités. Son teint noir d’ébène apparaît encore plus magnifique avec le contraste de la lumière du jour naissant qui chasse les ombres tardives de la nuit.
Mocirédin toussote pour se rappeler qu’il est devant une bouilloire et qu’il s’apprête à aller à la mosquée.
-Pourquoi ne rend-on pas hommage aux femmes, continue-t-il, à ces braves dames comme Diambéré Khoumba, qui du matin au soir, s’échinent au service des autres sans la moindre reconnaissance des hommes pour lesquels elles travaillent ? Je suis vraiment un privilégié, un avantagé, non pas par la nature, mais par la société ingrate vis-à-vis des femmes en général. (A haute voix) : A bientôt Diambéré Khoumba!
-Depuis quand as-tu pris cette habitude qui ne te va pas du tout, demande l’épouse?
-Il faut bien, un jour ou l’autre, changer, dit simplement Mocirédin ! Chaque chose a un début ; et le début de ma transformation commence bien aujourd’hui. Je vais à la mosquée et je reviendrai tout à l’heure, INCHALLAH !
Le sourire éclatant de l’épouse donne du courage au mari qui cherche fébrilement ses vieilles babouches et son bonnet noir déteint par les rayons du soleil. Il sort de la maison et se dirige vers la mosquée. Une demi-heure après :
-Bienvenue Mocirédin, dit ironiquement Diambéré Khoumba !
-Tu es vraiment étonnée de ce que j’ai fait avant d’aller à la mosquée ? C’est que tout à l’heure, en te voyant aller et venir depuis l’aube, décontractée, je me suis posé plusieurs questions, totalement ébranlé par ta condition de femme:
.D’abord, t’ai-je amenée chez moi pour être la « bonne » de la maison ?
.Ensuite, est-ce à toi seule de supporter toute la charge familiale ?
.Quel rôle réel, enfin, moi l’homme, ton mari, celui qui doit te protéger va-t-il jouer pour atténuer tes efforts surhumains dans ton foyer ? La Société vous a défavorisées, vous les femmes, surtout vous qui êtes appelées « femmes au foyer » !
-Ne te surcharge pas de « fautes » que toi, mon mari n’as jamais commises. Notre société, au contraire de tes idées, depuis nos ancêtres, a voulu « offrir » à la femme, sa place centrale dans la famille. C’est ainsi que ces charges, toutes ces « bénédictions » considérées comme lourdes, pour toi, lui sont revenues pour que l’on sente partout son importance ! Ce que tu penses être une charge est en réalité un « devoir », un rôle incontournable accordé à la MERE DE L’HUMANITE, la FEMME !
-Tu es vraiment une fée, ma chère Diambéré Khoumba ! Mais au lieu de me convaincre, tu crées le doute dans mon esprit ! Pour moi, c’est l’homme qui est à l’origine de cette machination, de ce subterfuge qui s’est enraciné pour devenir une sorte de loi qui arrange les hommes. Nous sommes donc devenus, par la force des choses, des privilégiés, ceux qui profitent des erreurs de la société ! A commencer par moi, Mocirédin ton mari, à mon humble avis, je pense que dans ce siècle de progrès scientifiques et techniques, je dois être plus ouvert, plus démocrate en partageant avec toi le poids des charges familiales. A beau crier « égalité de l’homme et de la femme », dans les faits quotidiens, la réalité cruciale est autre ! C’est toi qui cuisines, qui balaies, qui linges, qui éduques les enfants, qui chantes pour égayer les cœurs, qui reçois, qui donnes…
- Moi, Diambéré Khoumba, en ma QUALITE d’épouse, je préfère de loin cette charge que de la partager avec toi ! Mon « Paradis » dépend des efforts que je fournis pour toi et la famille. Et puis l’avenir de mes enfants, leur devenir
provient de cet engagement, de cet effort. Mon état de femme ne me dérange nullement pas.
-(Très ému par les paroles de sa dame, Mocirédin est au bord des larmes). Tu es un DON de DIEU, ma chère épouse ! Que serai-je sans toi ? Une autre femme ne réagirait jamais comme toi ! Comment un analphabète comme moi, sans aucun moyen peut-il être le mari d’une femme exemplaire comme toi ? Je remercie le bon DIEU. Je félicite aussi tes parents pour la bonne éducation qu’ils t’ont inculquée. Ma reconnaissance est infinie pour les miens qui t’ont choisie pour moi afin que tu me transformes !
-Je suis heureuse d’être l’épouse d’un homme comme toi qui m’a acceptée avec tous mes défauts. Comment serais-je si je rencontrais un autre homme que toi ?>>
Diambéré Khoumba vaque à ses occupations tandis que Mocirédin étale sa natte sous l’unique arbre de la maison. La vie continue.
Idrissa Diarra, bakelinfo.com